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Ces enfants à qui les parents n’osent plus dire « non »

On l’appelle « l’éducation bienveillante ». Partie d’un bon sentiment, cette façon très tendance d’élever les enfants est en train de montrer ses limites.

Article paru dans Le Soir du 17 novembre 2022, par Myriam Bru

Au hasard sur internet: le site « Bien enseigner », à destination des professeurs, est suivi de questions d’élèves et de parents. On y lit, entre autres : « Les profs ont-ils le droit de demander aux élèves de travailler chez eux » ? «De nous obliger d’aller à l’école chaque jour ?, « De faire des interros surprise ? »… Le ton est donné. L’autorité du professeur, même l’autorité en général, est de plus en plus souvent remise en cause par des adolescents qui refusent « le cadre », victimes du système éducatif auquel leurs parents ont adhéré, qui ne les a pas préparés à la vie en société. Résultat : un mal-être croissant du corps enseignant et des parents épuisés face aux agissements de leurs « petits anges ». Comment en est-on arrivé là ? Un vent de folie semble souffler depuis quelques années sur les groupes de parentalité présents sur les réseaux sociaux. L’éducation d’un enfant ne semble plus aller de soi. Les parents posent mille questions à d’autres parents qui eux-mêmes s’interrogent… Au centre des débats figurent le retour de la « bienveillance éducative » - un concept né dans les années 70 -  flanquée de sa liste de « VEO » (violences éducatives ordinaires). Le psychologue Stéphan Valentin décrit le concept comme «une méthode éducative basée sur l’empathie et le respect de l’enfant, qui s’oppose à toute forme de violence et l’autorise à exprimer ses émotions comme bon lui semble. » A priori, rien de bien alarmant. Sauf que, sur les réseaux sociaux, les parents qui se réclament de la bienveillance éducative ne mettent pas de gants pour condamner les autres. Et que de plus en plus de ces parents bienveillants semblent au bout du rouleau, dépassés par leur progéniture qui réclame une attention de chaque instant.

On ne dit pas « non »

« Le concept de « l’éducation positive » partait d’un bon sentiment. Ce qui est malheureux, c’est ce qu’on en a fait. Des tonnes de livres à ce sujet dérapent complètement : on y lit notamment qu’il ne faut pas frustrer les enfants, ni bloquer leurs désirs, car cela empêche leur épanouissement. L’enfant, dont la parole n’est pas à remettre en question, fait l’objet d’un véritable culte parental … », déplore Diane Drory, psychologue, spécialiste des troubles de la petite enfance et auteur de nombreux ouvrages concernant l’éducation. Pour elle, « être à l’écoute » ne signifie pas qu’il faille dire « oui » à tout ce que l’enfant veut. La véritable bienveillance, c’est apprendre à l’enfant à accepter la vie comme elle est et à ne pas le leurrer à ce sujet. « Dans la société, on n’est pas que dans le « oui », ce n’est pas la vie, cela, rappelle la psychologue. Les parents qui ne disent pas « non », tournent autour du pot pour refuser quelque chose, se lancent dans de longues explications, s’étonneront plus tard que leur enfant devienne un harceleur ou un harcelé. Harceleur si l’enfant n’a aucune idée de ce qu’est une limite, harcelé s’il ne sait pas dire « non » lui-même pour se défendre. Ces enfants sont « déréalisés ». Les parents leur servent de modèles, ne l’oublions pas. » Pour Diane Drory, les enfants auxquels on ne met pas de limites préparent une société d’addiction. Les parents ne les lâchent pas, s’en occupent continuellement mais ne les cadrent pas. Une fois adolescents, ils coupent le contact avec les parents sans avoir été préparés aux désillusions affectives, aux « non », aux manques et frustrations… Du coup, ils plongent droit dans l’addiction : les jeux vidéo, les réseaux sociaux,  la cigarette, l’alcool, le porno, etc. deviennent leurs bouées de secours.

On bannit les punitions

La méthode d’éducation bienveillante réprouve aussi les punitions. « Oh ! C’est devenu péché mortel que d’employer ce mot, rappelle Diane Drory en riant. Moi, je dis « conséquences » à présent. Si vous ne travaillez pas, vous n’êtes pas payé, n’est-ce pas ? « Si tu ne ranges pas ta chambre, je le ferai moi-même mais alors je n’aurai plus le temps de te raconter une histoire ». Une éducation où l’adulte est conséquent et cohérent, c’est ça, la véritable bienveillance ! » Or, à l’heure actuelle, les psychologues voient déferler des hordes d’enfants de 3 à 5 ans qui souffrent de troubles anxieux et du sommeil car leurs parents ne sont ni cohérents, ni conséquents. Sur les réseaux sociaux, une mère bienveillante s’indigne : « Je compte jusqu’à 3 ! Et à 3… on fait quoi ? » Pas de quoi en faire un plat pour la psychologue qui explique qu’au contraire « compter jusqu’à 3 » permet à l’enfant d’avoir le temps de réaliser qu’il devra quand même faire ce qu’on lui demande. « Il faut savoir que les enfants n’ont pas la notion du temps, rappelle-t-elle. Leur dire : « Tu as encore 5 minutes » n’a pas de sens. Offrez-leur plutôt une grande montre avec des aiguilles et des chiffres bien visibles ! »

On leur propose de choisir

Un autre point fort de la méthode consiste à laisser les enfants décider : «  Es-tu d’accord que je change ton lange ? » « Veux-tu que l’on mange maintenant ? » « En agissant ainsi, le parent se déresponsabilise, alors que c’est à lui, éducateur, de prendre ce genre de décision, nous dit Diane Drory. Dans la même veine, on a les parents qui utilisent le « on » : « Allez, viens, on va aller faire dodo maintenant ». Le parent va dormir aussi ? Non évidemment. « On », c’est personne. Dites «tu ». »

Myriam Bru


« File dans ta chambre ! »

Nouvelle dérive de la bienveillance éducative… Au niveau européen, un texte de loi fait parler de lui pour le moment, qui tient à « déconseiller fortement le « time out » ». Ce terme désigne le classique : « Maintenant, tu vas te calmer dans ta chambre »… « Or, c’est l’outil d’excellence en psychologie, nous explique Diane Drory. Imaginez le tableau : l’enfant crie « Laisse-moi tranquille ! », shote dans les tibias de son père, insiste pour obtenir ce qu’il veut… Papa et Maman ont beau lui expliquer que ce n’est pas possible, rien n’y fait. Lui ordonner alors d’aller dans sa chambre n’est pas une punition mais une simple mise à distance, dans un endroit sécurisé où il aura le temps de réfléchir. Et tant pis s’il shote dans la porte. Mais si, comme le préconisent les tenants de la bienveillance éducative, vous ne pouvez plus faire cela, que va-t-il se passer ? Puisqu’ils n’osent plus agir, les parents finiront par hurler à leur tour et la situation va s’envenimer. Si l’on supprime le « time out », il ne restera plus d’outil aux parents pour venir à bout de ce type de situation. »

M.B.


Quand on pousse le bouchon un peu trop loin…

Exemples de « violences éducatives ordinaires » pointés par les travaux d’Olivier Maurel et d’Alice Miller, cités par le site « Enfances épanouies ».

Violences physiques : forcer l’enfant à goûter un mets, le priver de dessert, le mettre sur le pot avant qu’il ne le demande, conditionner l’enfant à la continence.

Violences psychologiques : hausser le ton, isoler l’enfant temporairement, le mettre au coin, lui donner des récompenses, lui faire faire des promesses, confisquer un jouet ou son téléphone, le forcer à mettre les habits que l’on choisit au lieu de respecter ses goûts, le forcer à mettre sa veste/bonnet sans explications, le forcer à s’habiller alors qu’il souhaite être nu (dans la mesure du possible), menacer de jeter ses jouets s’ils ne sont pas rangés, le changer sans sa permission.

Violences culturelles : imposer notre vision homme/femme, notre religion/athéisme, nos coutumes, nos valeurs (c’est bien/c’est mal), notre régime alimentaire.

« Douces » violences : agir à sa place car on le trouve trop lent, lui parler de soi à la 3e personne (Papa va venir), le mettre devant la TV/ordi/console pour avoir la paix, parler devant lui dans une langue étrangère pour qu’il ne comprenne pas, le forcer à rester à table pendant le repas.


https://soirmag.lesoir.be/477313/article/2022-11-17/il-faut-oser-dire-non-aux-enfants