Et l'enfant comment s'appellera-t-il ?
Interrogation face à la nouvelle proposition de loi sur le patronyme.
Le mariage a souvent pour but de fonder un foyer, berceau d’une famille. La structure sociale de la famille engendre la structure psychique et sensorielle dans laquelle vont se construire le sentiment de familiarité et le désir de filiation d’un enfant.
Le sentiment de familiarité, s’enracine dans les stimulations sensorielles de la vie domestique. C’est un sentiment qui s’éprouve et se renforce au gré du quotidien et s’alimente de biologique, de mémoire, de sensorialité quotidienne.
Le sentiment de filiation, pour sa part, n’existe que dans la représentation psychique. Il s’alimente de par la culture dans laquelle grandit l’enfant et il dépend des référents généalogiques qui ont pour fonction de structurer le groupe. Ce sentiment de filiation est universel car on se sent toujours l’enfant de quelqu’un ! Le sentiment de filiation, créant un sentiment de paix intérieure, de cohérence, donne sens à nos efforts, soutient nos projets de vie et nous inscrit dans un roman familial !
Les parents ont chacun un rôle symbolique essentiel
Un être humain ne peut reprendre en son nom propre unique, le fait d’être vivant et doté de sa matérialité physique et psychique ! Sa venue au monde est toujours référée à la circulation d’un désir tiers fondateur, celui des « auteurs de nos jours. »
La filiation à la mère est indiscutable et incontournable. En portant l’enfant, dans son corps, sur son cœur, elle lui permet d’exister et de construire sa première identité. La première médiatrice de la vie de l’enfant sera donc la mère, mettant en place une première symbolique, un constituant symbolique où l’on se sent adopté par l’autre et où l’on adopte l’autre puisque l’on accepte de grandir en son sein.
Quant à celui qui est reconnu en place de père, c’est la culture qui désigne quel individu occupera cette place. Par exemple, dans de nombreuses tribus africaines c’est un oncle maternel qui assume ce modèle identificatoire. Dans notre culture occidentale, est reconnu à cette place de père celui qui donne son nom à l’enfant.
Qu’il soit l’oncle, le mari ou le compagnon de la mère, une chose certaine, le rôle de celui qui est nommé en place de tiers terme entre la mère et son enfant est essentiel. Il introduit une deuxième symbolique celle qui institue la loi humaine et qui ouvre à la question de la différence, à la loi de l’altérité. Il élargit les possibilités de dialectique puisqu’il permet de sortir de la dualité mère-enfant.
De l’importance de recevoir un nom !
Le nom est un procédé d’identification des personnes et de détermination de leur ascendance. L’enfant n’existe que dans la représentation culturelle qui le désigne par un nom. Cette désignation organisant une partie de son développement psychique, balise son devenir social.
Le prénom est donné dans une relation intime, affective. Il est rempli des attentes, projets et souhaits parentaux à l’égard de leur enfant. Le prénom nous projète dans le futur. Le nom de famille, quant à lui, inscrit l’enfant dans un circuit culturel et social. Il véhicule les mythes familiaux, l’histoire de nos ascendants ; nous reliant à notre passé il nous inscrit dans l’histoire de l’humanité.
A sa naissance donc, l’enfant est nommé, cette nomination pose les fondements de son identification.. Le nom constitue le meilleur marqueur d’appartenance ; il nous inscrit en tant qu’individu reconnu par le milieu socio-culturel qui, en nous nommant, nous accueille et nous confère une place unique. L’appartenance crée un environnement où nous pouvons exister, c’est notre premier « tranquilisant culturel » comme dit Boris Cyrilunick.
Le nom nous réfère à notre origine, pour donner un sens à notre vie il nous faut accepter notre origine. Un enfant qui ne se repère pas dans l’histoire de sa famille ou de sa lignée, vivra une lacune qui rend difficile pour lui la structuration de son identité dans le temps. Quand on ne sait pas d’où l’on vient, on ne peut savoir où l’on va !
La question du patronyme est donc fondamentale puisque venant d’un autre, il est un des constituants de la représentation que nous avons de nous-même. Nous appuyant sur notre passé, il nous permet de nous projeter dans le futur. « L’absence de passé, c’est une lignée muette » nous dit Boris Cyrilunick.
Nouvelle proposition de loi
Jusqu’à ce jour, dans notre pays, en ce qui concerne le patronyme, l’enfant d’un couple marié porte automatiquement le nom du mari de sa mère. Une législation qui tend à voler en éclats puisque selon le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe il apparaît qu’une telle législation maintien des discriminations entre la femme et l’homme et est incompatible avec le principe d’égalité défendu par le Conseil de l’Europe…
Dans un bel élan, un certain nombre de députés viennent d’accepter une nouvelle proposition de loi laissant aux seuls parents le soin de décider du patronyme de leurs enfants. Ils pourront attribuer à l’enfant soit le nom du père, soit le nom de la mère, soit le nom du père et le nom de la mère, dans l'ordre choisi par eux (double nom). S’ils n'ont pas effectué de choix ou s'ils ne sont pas d'accord entre-eux, leurs enfants se verront attribuer le double nom, dans l'ordre alphabétique. Au cas ou les parents portent déjà un double nom, c'est le premier nom de chacun des deux parents qui sera transmis.
Interrogeons-nous sur l’adéquation de ce choix laissé à l’arbitraire parental. Le patronyme intéresse l’ordre public. N’est ce pas au législateur et à lui seul qu’il incombe d’en fixer les règles ? Une règle fixe, applicable à tous les citoyens, et non susceptible de variation en fonction des choix ou des caprices des parents de l’enfant !
L’enfant qui vient de naître tombe dans un monde imbibé de culture avec lequel il va essayer s’échanger et de réaliser ses promesses biologiques, psychologiques et sociales. Tout enfant a des droits de plus en plus nombreux et précis, en fonction de son bien, de son intérêt et de son bien-être.
Dans cette nouvelle proposition de loi, a-t-on assez tenu compte du droit qu’a l’enfant naissant, futur être de langage, de voir s’organiser autour de lui un dispositif symbolique permettant de prendre distance et donc de se différentier du mouvement matriciel maternel ? En effet, quelque soit la culture, les enfants, dans le cadre de leur développement, ont besoin de trouver autour d’eux un amour stable et différentiée. Indiscutablement, ils ont besoin d’amour maternel dont la nature est d’aimer l’enfant tel qu’il est, sans attendre de lui autre chose que d’être. C’est un amour sans condition. Tout aussi incontournable à l’équilibre psychique mais totalement différent sera l’amour paternel qui ne peut se dispenser que sous condition que l’enfant consente à sortir du champ maternel pour aller prendre sa place d’homme ou de femme dans le social en se soumettant à la
u projet signifie à l’Etat qu’il n’a plus son mot à dire dans ces affaires de nomination, de transmission et donc, de réglage social. A force de cultiver le culte de l’individualisme et son corollaire « le fantasme de maîtrise absolue de ma vie…et de ma mort », l’humain ne se tend-il pas un piège dangereux ?
Le droit de l’enfant
Loi
Ainsi les enfants qui, d’une génération à l’autre, seraient uniquement reliés au patronyme maternel, se retrouveraient confrontés avec un seul référant symbolique et uniquement entourés d’amour sans condition. Ne s’en retrouveront-ils pas bien démunis ? De plus, le risque de réduire la part de l’homme au rôle de bourdon, est-il un avenir enviable pour les fils à naître?
Quid de l’absence de référent paternel ?
Au nom de la sacro-sainte parité certains, diront : « Finalement pourquoi un enfant ne pourrait-il pas porter le nom de sa mère ? C’est quand même elle qui l’a porté. » Interrogeons-nous ! Attitude qui, bien plus qu’une simple question, est une situation de parole qui s’engage ! « Quelles conséquences subit un enfant qui ne serait plus référé à un père ? »
« La femme donne la vie, l’homme donne son nom. » Ce principe trouve sa source dans la tradition et se révèle un pacte assez équilibré permettant à chacun d’assumer une part de responsabilité. La fonction de l’homme reconnu à sa place de père est essentielle puisque, par le don de son nom, il nomme l’enfant, le situe dans une lignée et lui assigne une place dans la société. Cette fonction est aussi un modèle identificatoire puisque « être reconnu » comme père demande à justifier des qualités permettant d’introduire un enfant dans la société humaine par l’acceptation de la Loi. .
Notons un constat actuel : les pères ont du mal à faire contrepoids à l’importance accordée à la mère et cela entraîne une rupture d’équilibre social. En cas de divorce, notamment, on parle du désinvestissement des pères qui auraient tendance à laisser à la mère la tâche éducative. Comment réagiront ces pères qui pour une raison ou une autre se seront laissés déposséder de leur liberté de nommer l’enfant ? L’enfant ne portant même pas leur nom, ne seront-ils pas encore moins enclin à reconnaître leur rôle dans la socialisation de l’enfant ?
A-t-on le droit d’un trait de loi, de cautionner l’éventuelle élimination du « Nom-du père », cette symbolique clé qui permet qu’un enfant soit conduit à se poser comme « sujet » et non plus seulement comme « objet » du désir maternel ? En effet, la reconnaissance paternelle, agent de la différence, empêche l’enfant de rester captif de la relation duelle imaginaire à la mère. Elle confère, à l’enfant, le droit à advenir sujet de son propre désir. Un père inconnu ou gommé de la filiation d’un enfant, empêche ce dernier de s’inscrire entièrement dans une lignée et le soumet totalement à la puissance affective de la mère ! Par manque de récit sur le père, la mère prend le monopole des images identificatoires. Or, la Nature doit être médiatisée par la Loi ! Tel est, pour l’humanité, le rôle de la fonction tierce si l’on veut éviter la dérive du chaos de la psychose et de la violence.
En minimisant l’importance de la référence à un père, cet « ailleurs de la mère », ne ferions-nous pas preuve de légèreté, d’incompétence et d’inculture?
Pour les adultes une nouvelle guerre des sexes ?
La question de la parité, souvent mal définie, a entraîné une confusion entre « mêmeté » ou « indifférentiation » et « égalité dans la différence »
La proposition de loi, à savoir : le choix du patronyme de leur enfant laissé à l’appréciation des parents, risque de provoquer encore plus de situations paradoxales inextricables! Désordre des appellations, chantage, rapt symbolique ou appropriation des enfants. Cette confusion pouvant entraîner encore plus de querelles, d’aigreur, de violence, de rancœur, d’incompréhension et surtout d’enfants-otages ou d’enfants-rois… Face à la croissance exponentielle du nombre de divorces, des familles monoparentales, des familles recomposées nous voyons le tissu social de notre culture se trouer de plus en plus. Est-il adéquat d’augmenter cette précarité en permettant de supprimer un des fondements de notre tradition ?
Sans parler de la redoutable tâche d’élire celui des deux noms que devra porter l’enfant ou de choisir lequel, si les parents souhaitent un double nom, sera nommé en première place. Dans la nouvelle proposition, c’est incontournable, le nom de l’enfant loin d’être le fruit de la culture aura été l’enjeu d’un arbitrage dont la neutralité est impossible. Comme le dit Bernard-Henri Lévy : « En choisissant, on élimine ; en éliminant, on exclut et, qu’on le veuille ou non, on dévalue ; en sorte que c’est une nouvelle inégalité, plus violente que l’autre, car voulue celle-là, concertée, que, sous le couvert d’égalité, on réintroduit dans les familles. »
Conclusions
Courir le risque d’évincer le rituel de la transmission du patronyme paternel n’est ce pas en rajouter à détresse d’aujourd’hui ? Les humains ne souffriront-ils pas encore plus de solitude, de manque fondements historiques les obligeant à se réfugier dans la ponctualité de l’instant qui passe…Si je ne fais plus partie d’une lignée, d’une histoire familiale claire pourquoi chercher à être comme ceci ou cela ? C’est du pareil au même. Pourquoi donner un sens et une direction à ma vie ? « Fin de l’Histoire », abolition du passé, du futur, trou noir où l’on tombe dans la détresse d’un retour à l’animalité, l’abomination, l’inhumanité.
Est-ci vraiment cette histoire là, celle d’enfants pris dans la toute puissance d’une société maternante, leurrant leur imaginaire, les coupant de la fonction structurante de la différence, que nous voulons pour les générations à venir ?…
Mots clés: Père Loi Parentalité