Je t'ai fait un dessin
« Chaque dessin d’enfant, a-t-il vraiment un sens particulier ? », Et comment donc ! Ils sont pleins de messages, pleins de symboles, tout ce qui s'y trouve a un sens! Le langage parlé et écrit est un langage d’adulte. Celui que l’enfant privilégie, son langage à lui, sera le langage des signes et le langage pictural. Par leur truchement, il peut exprimer le monde selon son vécu. Selon la perception qu’il a de ce qui lui arrive quotidiennement.
L’enfant est créateur du monde, de son monde, et son monde change. Jour après jour, il le recrée à son image. Et puis le monde le malmène, il s'y heurte, il lui cède. Sa réalité refuse ou accepte la réalité qui l'entoure. Il s'y confronte, y entre, parfois au prix de sa créativité…
Le dessin est une parole.
L'homme peut penser à l'aide de mots ou à l'aide de "représentations mentales" c'est à dire d'images. La pensée par image est la plus primitive, la plus archaïque; elle est présente chez le bébé même avant qu'il ne sache parler. Quand les mots viennent à manquer chez l'adulte c'est avec des images qu'il cherche à exprimer sa pensée, ayant recours à des exemples concrets, des analogies, des symboles ou des métaphores.
Suivant les pas de son père, Julien, 5 ans s’avance vers le berceau de sa petite sœur juste née. Il y dépose un dessin. « Mais pourquoi as-tu dessiné un gribouillage ? », lui demande son père, étonné. « Pour qu’elle comprenne mon dessin ! », répondit du tac au tac le petit. Cette historiette nous fait sourire, mais surtout elle nous enseigne qu’un enfant ne dessine pas n’importe quoi pour n’importe qui ! Faire un dessin pour maman ou pour sa petite soeur n’est en rien identique !
Jacqueline, quant à elle, est convaincue de la valeur des dessins de ses enfants. « Je sens qu’il s’agit là d’une parole ! » En effet, Dessiner, c’est utiliser un moyen d’expression à mi-chemin entre le langage du corps, les cris, les gestes, les tics, les maladies et celui des mots. L'enfant dessine instinctivement, naturellement. C'est un phénomène réflexe cérébral mais en même temps une représentation intelligente et une expression de sa personnalité
Le dessin est à la pensée ce que l'écriture est à la parole c'est à dire sa matérialisation sur un support tangible. Par l'intermédiaire de l'œil, il permet une saisie intuitive du monde. Plus il sera jeune, moins il sera limité par la pensée rationnelle ! Et sa vision du monde n’en sera que d'autant plus étonnante pour nos yeux d'adultes…
Car, souvent, le non rationnel dérange !. Ainsi cette grand-mère bien intentionnée, plutôt du genre classique, qui s’adressant à sa petite fille…" Je suis contente que tu dessines, cependant tu dois faire un effort et essayer de réaliser des dessins comme les grands, en représentant les choses telles qu'elles sont. Une maison avec un toit bleu, cela fait un peu bêbête. Prend une latte, pour faire des lignes bien droites. C’est plus joli si tu fais l’effort de représenter une belle image, comme dans les livres. Et puis l'histoire que tu racontes concernant ton dessin, n'est pas très raisonnable ! Une fleur ne peut pas parler à un arbre. Il n'y a que les humains qui ont la faculté de penser et de parler avec des mots!"
Une pédagogie qui s’efforce à apprendre à l’enfant à reproduire une image avec la plus grande précision des tracés vise-t-elle l’objectif du dessin d’enfant. ? N’y a-t-il pas un danger à confondre réalisation et précision. A valoriser la copie d’un modèle plutôt que l’élaboration personnelle ? Le dessin ne serait-il pas un outil idéal qui doit favoriser l’expression libre de la pensée ? Par ailleurs, le langage pictural est un geste graphique qui préexiste au langage intellectuel. Langage sans parole, il présente l’avantage de n’avoir ni syntaxe, ni orthographe. Il est à la portée de tous !
Un dessin c’est sérieux !
Que penser de ce père qui voyant son petit bonhomme, haut comme trois pommes, venir vers lui, une feuille de papier toute barbouillée de belles couleurs vives, lui dire : Quel sale dessin ! Tu en as mis partout, et d'ailleurs regarde tes mains, de quoi as-tu l'air ? Va les laver" Et joignant un geste de dégoût à la parole, il jeta, sans lui porter le moindre regard, le dessin dans un panier à papier. Parce que les dessins ne sont pas neutres, à savoir inodores (de sentiments), ni insipides (de messages), les dénigrer peut blesser profondément…
Sait-il ce qu’il jète à la poubelle ce papa ? Un message, une tentative de communication. Un dessin n’est jamais anodin, fut-il un amas de couleurs ou de lignes entremêlées. Pour un enfant, une feuille blanche (à moins que ce ne soit le mur du living…) se révèle être un espace à conquérir, un espace extérieur sur lequel il peut projeter son espace intérieur. Chaque forme, chaque couleur revêt un sens symbolique. Quand l’enfant commence à dessiner, il met en image son aptitude à symboliser.
Chaque enfant a son style de dessins, reflet de la structure profonde de sa personnalité. Grandissant, l’enfant fera de ses dessins une formulation, une question posée à l'adulte ou encore une interrogation sur des thèmes primordiaux qui nous concernent tous: « Qu’est ce que un homme ? Une femme ? Quel est le sens de la mort ? De l’amour ? Quelle est ma place, mon rôle, mon territoire ? »
Un dessin raconte toujours une histoire !
« Pourquoi donc mon enfant ne dessine-t-il pas pour lui ? Il a toujours besoin de donner ses dessins à quelqu'un ! », se demande la maman de David. Un dessin d'enfant, un vrai, fait avec tout son coeur et pas seulement avec sa tête, ne s'adresse pas à tous ou à personne. En général, les dessins contiennent un message spécifique destiné à la personne à qui ils sont offerts. Un dessin, c'est une lettre, un communiqué adressé à un destinataire. En effet, pour le jeune enfant, un dessin est donc bien plus que la représentation de quelque chose qu'il voit. Cela parle de ce qu’il sent et comment il le ressent. Comment son corps et ses émotions sont traversées par les questions de l'amour, la mort, la solitude, la vie... Un dessin a toujours une histoire, même si en la composant, l'enfant n'a pas d'emblée conscience de cette histoire.
« Quel joli chat dessines-tu là ! » dit un père à son fils. Tandis que celui-ci exécute deux ronds superposés avec un vague trait qui pourrait bien être une queue. Dans le coin gauche de la feuille mais en plus petit, il reproduit la même figure. « Et ça c’est la souris ? Elle a certainement très peur ! » poursuit le père. Et le fils de rétorquer : « Le petit c’est le chat et le gros la souris et la souris se demande si, avec son gros corps, elle pourrait devenir l’ami du chat ?” » Voici une histoire bien différente de celle imaginée par le père !
Le petit Jacques voit, dessine et formule un rapport chat souris inverse à celui auquel nous sommes habitués. Pas facile d’être dérangés dans le confort des idées toutes faites ! Quoi de plus simple et de plus humain que de se protéger en interprétant d’office ce que, le spectateur, lui, voit dans le dessin. Prudence donc dans nos interprétations ! Elles sont des projections de « notre » psychisme d’adulte. « Raconte-moi l’histoire de ton dessin » , est par conséquent une proposition utile !
Quelquefois, l’adulte se refuse à ce questionnement car il craint d’être confronté à une vision du monde différente de la sienne, de celle qu’il a construit dans son imaginaire ou avec sa rationalité.
S’intéresser à un dessin n’est pas l’interpréter mais proposer, aider, inviter l’auteur de le commenter !
Certains se refusent au dessin.
« Je ne sais pas dessiner ! » Pourquoi cette réaction spontanée chez certains enfants ?
Ils peuvent être intimidés par la feuille blanche. Y laisser une trace leur fait peur parce que les paroles s’envolent mais les écrits restent….Il faut déjà avoir une certaine confiance en soi pour se lancer dans aventure de laisser une trace de soi…. D’autres craignent d’être dénigrés. Il suffit parfois d’un commentaire, lancé sans aucune mauvaise intention, « Quel drôle de dessin » pour que l’enfant bloque sa créativité. A moins que des remarques du genre : « Mais, il est horrible ton dessin avec toutes ces têtes de morts ! », ne viennent freiner la spontanéité. Alors l’impression d’une obligation à se plier à la vision de l’adulte, peut avoir comme résultat : « Si ce que j’ai a à dire ne peut se dire, à quoi bon encore dessiner ? »
Et puis, tout simplement, il y ceux que d’autres moyens d’expressions attirent plus. La pâte à modeler, les jeux de rôles, etc.
Regarder, écouter et se taire !
« D'accord, le dessin est peut-être une question posée à l'adulte ou encore une représentation de l'image que l'enfant a de lui-même, mais comment savoir, comment comprendre ces dessins. Ils sont semblables à des hiéroglyphes…? »
Il est vrai que grandissant, l'humain oublie ! Sa rationalité lui ayant fait perdre les clés intuitives du symbolisme. Pas de fausse pudeur. Même quand nous avons l’impression qu’il n’y a rien à voir dans un fatras de lignes et de couleurs, demandons à l'enfant de nous commenter son dessin !.Que dirions-nous si adressant une lettre à un proche, nous voyons celui-ci distraitement la mettre sur le côté ou la jeter. Sans même la lire…Le but d'un dessin d'enfant est atteint quand celui qui le reçoit fait l'effort de lire ce qui est dessiné, d'écouter ce qu'il explicite.
Il est vrai que parfois, la lecture est ardue, car le monde de l'enfance est si mystérieux, voir magique que parfois… il fait peur à l’adulte…
Pourquoi vous avoir parlé de dessins d’enfants ? Noël est proche. Avec son cortège de cadeaux, porteurs de reconnaissance, de gratitude.
Pouvoir « donner » est un signe de vitalité, à plus forte raison s’il s’agit d’une part de soi-même ! Qu’ont les petits à nous offrir ? Un dessin ! Crée par eux, pour nous ! Sachons le regarder, l’apprécier avec tout le respect qu’il mérite. Contrairement à l’anonymat du cadeau acheté, un dessin, création personnelle et unique, n’est pas destiné à n’importe qui. En recevoir est un honneur à apprécier à sa juste valeur…
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