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Le bonheur, à quel prix

En opposition à un temps passé où la religion rappelait aux mortels l’insignifiance des plaisirs humains, où l’on prônait de racheter la faute d’exister en travaillant pour notre salut, un nouveau paradigme est de mise : « A moi le pouvoir de créer mon paradis terrestre là où je suis. » Nous voilà confronté à une certitude aussi exaltante qu’écrasante !

N’y a-t-il pas un danger, de voir verser dans la catégorie du normal, voire du nécessaire ce qui serait plutôt de l’ordre de l’exceptionnel à savoir : le sentiment de bonheur.

Du devoir d’être heureux

Depuis mai 68, on a âprement défendu l’idée « Il est interdit d’interdire » et a clamé haut et fort la nécessité, pour chaque individu, d’un Désir sans contrainte. Même si, de nos jours, nous savons que c’était chimère que de croire que les inclinaisons spontanées de chacun sont également respectables et convergent de façon harmonieuses, depuis lors une idée maîtresse s’est forgée : l’impératif « droit » au bonheur. Plaisir, santé, salut sont devenus synonymes, et le corps est suspect s’il n’est pas rayonnant. Bien plus que des valeurs morales ou un héritage spirituel, notre culture nous intime que la réussite de notre vie dépend de notre épanouissement et celui-ci nous couronnera du bonheur. Voilà donc le bonheur érigé au rang de devoir !

Par conséquent, l’éducation d’aujourd’hui est essentiellement axée sur l’épanouissement existentiel et émotif de l’individu dont la tâche essentielle sera la construction de lui-même. L’ordre culturel parle peu de loi, de civilité, de reconnaissance et de respect de l’autre. Il a plutôt choisi de nous porter, de nous assister, en nous susurrant à l’oreille : « Surtout n’oublie pas d’être heureux »…

Nous voilà poussés à tout évaluer sous l’angle du plaisir ou du désagrément. Le malheur n’est pas seulement le malheur : il est pire encore, il pointe l’échec du bonheur. Il faut donc d’un côté tirer le meilleur parti de sa vie et de l’autre s’affliger, se pénaliser si l’on y parvient pas

Cette nouvelle religion de la félicité nous fait croire que nous serions totalement maître de notre destin comme de notre plaisir. Ce dernier, c’est à nous de veiller à ce qu’il soit au rendez-vous ! En nous faisant croire que le bonheur est une question de volonté, on met au pinacle un autre mot d’ordre : « Il faut être bien dans sa peau ». Ce que bien sûr la publicité et la consommation cultivent avec force et conviction ! L’offre marchande apporte plus de bien-être, c’est incontestable. Mais pas nécessairement plus de bonheur car l’échange marchand n’a pas pour but la reconnaissance de l’autre. Or le bonheur a besoin des autres !

Face à ces nouveaux dogmes que constatons-nous bien souvent ? Ombiliqué sur son quant à soi, l’homme moderne est un solitaire narcissique…en quête illusoire d’une prise directe sur le bonheur. . Finalement cette quête du bonheur n’empoisonne-t-elle pas l’existence à force de nous obliger au devoir « de satisfaire tous nos désirs » ?

Le bonheur. La satisfaction de tous nos désirs ?

En feuilletant les magazines, en écoutant les conversations, il apparaît de plus en plus évident que l’aspect financier, et le confort matériel qu’il procure, n’est plus une préoccupation majeure pour acquérir le bonheur ! Le rapport à l’argent a évolué car les facilités matérielles de la vie quotidienne sont devenues choses normales !. Si l’argent reste le nerf de la guerre il n’est plus le seul agent pourvoyeur de bonheur. Les nouveaux idéaux collectifs sont la santé,  le corps, les voyages, la sécurité, le tout se résumant en un maître mot : le bien-être. Au nom de cette qualité de vie, tous nos désirs doivent être satisfaits !

Or, nous ne désirons que ce qui nous manque car le Désir humain a ceci de particulier qu’il est en relation avec l’idéal de vie de l’individu. Il parle de lui dans des phrases comme « Je rêve de… J’ai envie de…». Il fait de nous des êtres humains en évolution constante, en appelle à quelque chose de neuf, de différent. A ne pas confondre avec le besoin qui, lui, est de l’ordre de l’habitude, de la nécessité, du répétitif. Tandis que le désir procure à la vie son goût particulier, sa teinte propre car à peine un désir satisfait voilà qu’en surgit un autre, différent. C’est  bien pour cette raison que le Désir est impossible à satisfaire totalement !

Celui pour qui le bonheur signifie l’assouvissement, la satiété, la satisfaction totale de son désir ne le rencontrera pas car le désir est toujours plus en avant du présent… Cette quête là du bonheur n’est qu’un rêve qui empêche  d’en faire une réalité… Car le monde ne nous appartenant pas, plutôt que de nous obéir, il impose ses lois propres!

Heureux ceux qui sont doués pour le bonheur !

La recherche  du bonheur est sans doute un des mobiles le plus important de tout humain car il est dit que le bonheur est ce qui rend heureux. Or étymologiquement, être heureux signifie avoir de la chance, être favorisé par le sort, de jouir du bonheur tandis que son contraire serait lié à la malchance, à l’échec, à l’inquiétude ou à la souffrance..

Mais être heureux, est-ce acquérir tout ce dont on rêve ou surtout s’accorder le sentiment de l’être ? Julia Kristeva nous parle des nouvelles maladies de l’âme. Celles issues du constat qui s’impose. Elle nous dit :  « Pressés par le stress, impatient de gagner et de dépenser, de jouir de la joie qui soudain passe, les hommes et les femmes d’aujourd’hui n’ont ni le temps, ni l’espace nécessaire pour se faire une âme »

Le bonheur est, sans doute, surtout une aptitude, celle de jouir de ce qui est, de ce que la vie offre plutôt que de regretter un désir insatisfait ou de se démener à tous les satisfaire….

D’ailleurs le bonheur n’a-t-il pas tendance à s’enfuir si on le pourchasse ? Car il est un art de l’indirect qui arrive ou n’arrive pas à travers des buts secondaires. Non, il n’est pas un objet directement accessible dont il suffit d’avoir la bonne adresse !

Sans doute, sera heureux celui qui n’attend pas l’événement unique et génial mais celui qui peut reconnaître la joie qui soudainement surgit et nous traverse. Sans se soucier du grand bonheur mythique qui est devenu le mot d’ordre d’aujourd’hui !

Réflexions

Bien sûr, ce n’est pas la recherche du bonheur en soi qui pose question mais ce dogme, divinité sans visage, qui transforme ce sentiment fragile en stupéfiant collectif ! Tant se laissent berner de promesses illusoires alors que les sciences les plus élaborées  et les religions les plus diverses reconnaissent leur impuissance à garantir la félicité des individus !

Celle-ci est une grâce qui nous effleure à l’improviste, une faveur de la Vie mais ne peut en aucun cas être le résultat d’un calcul ou d’une conduite spécifique. Nous sommes en pleine tromperie. Au lieu d’admettre que le bonheur est un art de l’indirect qui arrive ou n’arrive pas à travers des buts indirects, on nous le propose comme un objectif immédiatement accessible. On nous en décrit toutes sortes de recettes possibles pour l’atteindre. Le message est : le contentement est à votre portée, il suffit de s’en donner les moyens. La volonté est prônée comme pourvoyeuse de bonheur, elle s’exténue à vouloir gouverner ce qui ne dépend pas d’elle ! Pour beaucoup cette quête reste vaine …

Le bonheur n’est ni une réalité statique, ni une béatitude paisible à temps plein, ni une satisfaction totale définitive. Elle est cette expérience intense où se mêlent sentiments et émotions, c’est quelque chose d’intensément vivant, par conséquent de changeant.

Et comme le dit fort joliment Patrick Bruckner : « On connaît peut-être d’autant plus les bontés du monde, la chance, les plaisirs, la bonne fortune, que l’on a déserté le rêve d’atteindre la béatitude avec une majuscule. » Si l’on ne veut pas qu’une aspiration légitime dégénère en châtiment collectif, il faut traiter l’impitoyable idole du bonheur avec la plus extrême désinvolture.


A lire : L’euphorie perpétuelle. de Pascal Bruckner chez Grasset. 

Mots clés: Bonheur