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Les lettres ont une âme

Lorsque Hermestrismegistos, philosophe égyptien décida d’introduire l’écriture dans l’administration, son pharaon s’écria : « Malheur sur moi et mon peuple. L’écriture est néfaste car les gens vont perdre la mémoire, leur cerveau va se rétrécir, la tradition orale sera perdue ! »

Mais rien n’arrête le progrès de la pensée humaine et l’écriture à envahi le globe, culture et intégration lui sont désormais liés. Aussi, de nos jours, celui, qui ne sait pas lire n’est, sans doute, pas d’emblée malheureux mais fait incontournable : il est mal inséré dans notre société !

L’alphabétisation implique l’enseignement de la lecture et de l’écriture. La lecture fait appel à la capacité de déchiffrer ce qui se transmet au travers de symboles appelés « lettres » tandis que l’écriture s’avère être la représentation de la parole et de la pensée par des signes graphiques conventionnels destinés à durer. Ces apprentissages de déchiffrage et de transmission font appel à la capacité d’abstraction, de symbolisation, ils ne sont guère tâches faciles tant pour le pédagogue que pour l’élève !

L’illettré est celui qui ne sait ni lire ni écrire. Dans notre culture, l’illettré se retrouve complètement démuni car notre société est entièrement bâtie sur le principe de consigner les choses par écrit afin que toute personne sachant lire puisse en prendre connaissance. Comment trouver son chemin si l’on ne sait lire une carte ou les noms des rues ? Comment comprendre où et quoi payer ou quel papier administratif est indispensable pour être « en règle » si je suis incapable de correspondre au moyen de la lecture et de l’écriture ? Marginalisation et analphabétisme sont directement liés car l’intégration sociale requiert l’acquisition de l’alphabet ainsi que des conventions de l’association des lettres qui le compose. Une lettre est un signe graphique qui, employé seul ou combiné avec d’autres, représente dans la langue écrite un phonème ou un groupe de phonèmes. La lettre en soi n’a pas de qualité propre, A n’est A que dans la mesure ou A est différent de B, par exemple. L’alphabet regroupe ces signes graphiques servant à la transcription des sons et les range dans un ordre traditionnel. L’orthographe régit la manière d’écrire un mot qui est considérée comme la seule correcte. La grammaire, quant à elle, règle l’ordre lexical de ces mots selon la fonction qu’ils remplissent dans la phrase. En effet : « Pierre bat Paul », n’est pas équivalent de « Paul bat Pierre ». Et ce n’est pas tout, le lettré devra aussi se montrer capable de rédiger ! La rédaction d’un texte fait appel à la capacité d’écrire un texte d’une certaine manière, selon la formule prescrite. Les phrases doivent se suivre de façon intelligible pour le lecteur, les guillemets, parenthèses et autres ponctuations introduisent des notions de classement et de différentiation.. 

Aviez-vous imaginé qu’il vous avait fallu acquérir toutes ces notions abstraites pour savoir déchiffrer et comprendre ce que vous êtes en train de lire maintenant ? 

Tout apprentissage est un travail conjoint du corps et de l’esprit

L’acquisition de toute cette symbolique d’écriture est loin d’être une sinécure et me fait dire que sans doute la première année scolaire fait appel à l’effort de mentalisation le plus grand que nous ayons à fournir au court de toutes nos études ! Ces acquisitions demandent énormément d’énergie et de concentration aussi certains enfants échouent-ils dans l’acquisition de ces bases ce qui ne veut, en aucun cas, dire qu’ils manquent d’intelligence ! Les problèmes de dysorthographies, de dyslexies, d’alexies font l’objet de nombreuses recherches et heureusement le temps est passé où l’on stigmatisait ces difficultés comme signe de manque d’intelligence.

De nos jours, les bio-neurologues découvrent l’influence du vécu intra-utérin pour le développement du système neurologique. La production de certaines hormones telles que l’adrénaline lors de la grossesse influent sur la mise en place des connections neuronales du cerveau. Le fonctionnement des sens ( rapidité ou lenteur à voir ou à entendre, etc.) et les perceptions sélectionnées par ceux-ci sont directement liés au fonctionnement du réseau des transmissions cérébrales. Ainsi corps et psychisme sont indissociables et sont tissés l’un dans l’autre comme l’est la trame à la chaîne !

L’intelligence se constitue à partir d’un certain bagage inné mais parallèlement elle se construit au moyen de la capacité de faire des déductions et de les mémoriser. Ce sont les associations établies entre ce que les sens ( le toucher, l’odorat, etc.…)captent comme informations depuis notre conception, et l’inscription de ces données dans notre cerveau qui peu à peu installent notre potentiel intellectuel. Attention donc, le concept « Intelligence » n’est pas une notion à confondre avec « capacité de rationalisation » ou encore avec « acquis scolaires », ceux-ci ne sont que des facettes de l’intelligence.

Dyslexie quand tu nous tiens…

La dyslexie est un handicap dans le sens où elle entraîne des fautes de lecture. En effet, le lecteur a du mal à acquérir une technique visuelle permettant d’assimiler rapidement le contenu d’un texte.

La personne atteinte de ce problème pourrait faire des erreurs de lecture du style à prendre un p pour un q ou un b pour un d ou encore incapable de mentaliser si le mot « problème » s’écrit avec un b ou un p ! D’autres liront bon temps pour tombent. Chez eux les lettres et les syllabes s’inter changent, et ceci bien sûr de manière totalement inconsciente ; ils ne voient pas les mots de la même façon que celui qui n’est pas dyslexique. 

Aujourd’hui pour déterminer si quelqu’un est atteint de dyslexie on lui fait passer une batterie de tests oraux écrits et de lecture. Les erreurs et difficultés rencontrées dans ces tests déterminent s’il y a lieu de poser un diagnostic de dyslexie. La personne est alors orientée vers une rééducation via de la logopédie ou de la psychomotricité.

Un certain nombre d’analphabètes sont en fait atteint de dyslexie non diagnostiquée. Rappelons que la dyslexie n’a rien à voir avec un manque d’intelligence, que du contraire ! Einstein, Winston Churchill, l’actrice Hoopy Golberg, le roi de Suède, Steven Spielberg, Richard Branson fondateur de Virgin ont souffert de divers problèmes de dyslexie. Pour des raisons encore mal établies on constate que les personnes souffrant de dyslexie disposent d’une logique de pensée différente. Mais lorsqu’ils peuvent surmonter leur handicap en assimilant tant bien que mal la symbolique de l’écriture, cette logique particulière les amènent à la conception de raisonnement d’une rapidité et d’une justesse intuitive étonnante.

Heureusement plusieurs chercheurs/spécialistes collaborent pour élucider les différentes causes de ce problème car la dyslexie est multifactorielle. Grace Binns, moteur de cette recherche, prévoit d’aboutissement de cette recherche dans les 2, 3 années à venir. Pour elle, pour aider un dyslexique à surmonter son handicap par rapport à la norme, il est évident et impératif de développer une approche qui prend la personne dans sa globalité et avec son histoire familiale si nécessaire.

Nos émotions habitent les lettres !

Les lettres, les mots en plus d’être des conventions d’écriture, sont « habités » par notre histoire émotionnelle !

En général, les spécialistes des troubles l’apprentissage de la lecture et de l’écriture tombent d’accord quant au fait que ces difficultés sont liés au vécu de la mise en place de la relation avec l’Autre. Avec la façon dont les liens se sont tissés, dont l’enfant a saisi, compris, engrammé, encodé dans son cerveau les informations qui lui a été communiqués par ses sens, et cela depuis sa conception. En effet, concevoir un enfant relève de d’un acte qui va bien au-delà de la biologie : c’est un acte civilisateur, de culture, de donation de langue qui ne peut se faire qu’à travers l’établissement du lien, du contact plus ou moins rassurant, plus ou moins structurant. Ce contact d’abord utérin, se poursuit dans le corps à corps du nourrisage pour ensuite s’établir au travers du langage qui lors de la première année primaire sera transcrit en lecture et en écriture. Comme vous le voyez, les phonèmes ont une longue histoire avant de s’abstraire en alphabet…Et par notre histoire seulement ? Oh que non puisque pour être entendu par nos oreilles ils doivent d’abord être prononcés par quelqu’un qui nous parle ! Le langage nous précède, il est notre ancêtre !

L’autre jour, un enfant de 6 ans, me dit : « Tu sais, moi, je bats toute la classe avec les lettres de mon nom. Pourquoi j’ai plus de lettres dans mon nom que les autres noms ? » Les noms propres, les mots et les lettres qui les composent sont loin de laisser les enfants indifférents. Au départ, pour eux, les lettres sont des choses, des objets qu’ils essayent de comprendre en les matérialisant dans leur vie quotidienne. D’ailleurs, certaines méthodes pédagogiques reprennent cette vision. Prenons un exemple : pour apprendre la transcription du son v  par le graphisme de la lettre correspondant, le professeur dit à Jacques « v comme vase » et de plus l’image d’un vase dans le livre aide l’enfant à passer de l’image, objet concret à la lettre, au symbole abstrait. C’est ici qu’intervient l’émotionnel ! Face à cette lettre et à cette image, « l’œil physique » de l’enfant voit la forme mais en plus son « œil du cœur » le fait regarder cette image avec tout ce qu’il a traversé comme expérience par rapport à des vases ou à des contenants, le contenant maternel par exemple. Selon le vécu de la relation à la mère ou de l’expérience utérine le v peut être une lettre amie, angoissante ou sur laquelle Jacques est fâché ! 

Tout regard est habité de ce que notre corps, notre psychisme a traversé jusqu’à ce jour. Aussi, instinctivement, face à la forme ou au son d’une lettre, l’enfant l’interprète. Ainsi par exemple l’apprentissage de la lettre q fait bien rire les enfants francophones car elle renvoie à l’image d’une partie intime de notre anatomie ! Bien sûr, plus tard, l’automatisme de la lecture s’installe, l’image du c. s’oublie et q renvoie à la lettre q en tant que pur signe graphique avec lequel on écrit quel, quoique  et des centaines d’autres mots. 

L’expérience des thérapeutes a mis en lumière que les troubles de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture sont en partie à mettre en rapport avec la manière dont un enfant « vit » les lettres. L’image dont est habitée une lettre peut être si prégnante que la lettre n’arrive pas à s’intégrer dans le « système » symbolique mais reste comme un objet qu’il faut pousser plus loin dans le mot, qu’il faut ne pas voir ou qu’il faut remplacer par une autre lettre tellement elle fait peur. Ainsi certains enfants ont du mal avec la lettre r car celle-ci ne peut se muter en symbole utilisable car l’écrire c’est activer l’ogre « grrr » de l’agressivité. Pour un autre enfant le O était « illisible » car ce signe renvoyait à une terrible angoisse de tomber dans le trou de l’abandon. Dans ces cas, la lettre ne peut devenir un simple support graphique mais reste habitée d’éléments émotionnels tellement forts qu’ils empêchent la mise en place de la symbolique. Ces lettres porteuses de messages émotionnels restent « hors système » car elles sont traces d’autre chose, traces d’un vécu inconscient dans le registre émotionnel. Ceci entrave, bien sûr, sérieusement l’apprentissage de la lecture  et la mise en place de la trace graphique. 

Autre exemple : un enfant en total blocage d’apprentissage de la lecture a, lors de son travail thérapeutique, révélé jusqu’à quel point les lettres étaient pour lui des monstres. Les façonnant avec de la pâte à modeler, il les a ensuite coupées en petits morceaux puis pour en être quitte, il a été les enterrer dans le jardin. Ces lettres diabolisées étant évacuées, il put se lancer, grâce à une nouvelle expérience relationnelle, dans une nouvelle approche de l’alphabet et du chiffrage des mots. Il a apprit à aimer les lettres !

« La lecture agrandit l’âme » nous dit Voltaire. Celui qui, de nos jours, ne sait pas lire, n’aurait-il pas l’âme en souffrance ? Aussi, félicitons donc et soutenons tous les efforts pédagogiques qui luttent contre l’an alphabétisation.

Mots clés: Ecole Emotion Langage Intelligence