Un enfant à tout prix. Mais un enfant à quel prix ?
La diffusion des méthodes contraceptives, équivalente à une stérilisation temporaire, a permis aux femmes de penser l’enfant à venir et la liberté d’agir en conséquence « Quelle liberté de ne plus nous sentir sous le joug d’une société où la fécondité dépendait en grande partie de la pression et du contrôle social. Aujourd’hui on n’a plus besoin de se marier pour avoir un enfant. On a aussi le droit de vivre en couple tout en postposant la venue d’un enfant afin de favoriser la vie professionnelle et l’épanouissement individuel. » témoigne Martine.
La contraception, ouvrant vers une autre qualité de vie, a bouleversé des systèmes de représentation concernant la femme et la famille.
Ces projets d’enfants renvoient au désir de se perpétuer, de dépasser son propre destin. Mais sont-ils désir d’enfant ou besoin d’enfant ? Il s’agit là d’un niveau d’élaboration très différent. Le besoin d’enfant se situe en terme de besoin primaire comme celui de manger ou de dormir, c’est un besoin narcissique. Tandis que lorsque l’on est dans le registre du désir, l’enfant ne s’inscrit pas dans un besoin vital mais trouve sa place en tant que personne à part entière.
Si l’avancée de la médecine contraceptive a permis au couple d’anticiper, de prévoir la venue de l’enfant en fonction de son désir et d’investir plus librement la sexualité, elle ne règle pas pour autant la question du désir d’enfant, de ses espoirs, de ses impasses…
« Un enfant si je veux, quand je veux. » Un leurre ?
Concept en inflation, « le désir d’enfant » est devenu, de nos jours, une démarche consciente et raisonnable, délibérée voir programmée. Celle-ci tend à occulter un fait indéniable : la transmission de la vie échappe en grande partie à ceux qui en décident… La programmation des naissances tend à oublier l’inévitable ingérence de l’inconscient qui détermine le nombre d’enfant qu’une femme peut avoir ou non avoir…
Si, bien sûr, les conditions matérielle jouent un rôle, le désir d’enfant ne se matérialise pas qu’avec de la technique ou de l’argent ! Par exemple : Si on ne se sent pas intégré dans une filiation, l’inconscient choisit de préférer ne pas faire de bourgeons là où il n’y a pas de racines. Or une des caractéristiques de notre société est la déliaison du lien ce qui, dans certains cas, influence un syndrome d’infertilité.
Si de tout temps on a voulu des enfants, maintenant on les veut « Quand on veut » et alors là il le faut tout de suite ! Dans notre culture d’immédiateté, lorsqu’une envie « d’enfant » se manifeste, elle se fait pressante et supporte mal d’être différée. « La femme infertile est toujours dans l’urgence, or elle doit donner du temps au temps. Si l’infertilité touche tant à l’inconscient, c’est parce qu’il y a toujours un petit enfant en nous : il y a une lutte entre cet enfant et l’enfant à faire naître. » (S. Mimoun)
On a tendance à oublier que le corps n’est pas une machine biophysiologique plus ou moins bien réglée dans ses fonctions reproductives mais que ces dernières sont traversées par des dynamiques subjectives qui répondent à d’autre impératifs que ceux de la raison scientifique. Qu’on le veuille ou non, l’inflation de problèmes de fertilité des couples, ramène obstinément cette vérité à la surface…
Un enfant à tout prix ?
L’histoire de la contraception témoigne à la fois du refus d’enfant et du souci de son accueil. Dans notre société, l’enfant est, à la fois, devenu un gêneur et un trésor auquel rien ne peut arriver. Le désir d’enfant, lui est idéalisé. Il est devenu un droit. Dans la foulée l’enfant est idéalisé et la déception est grande lorsqu’il ne répond pas aux attentes.
C’est sur les conséquences de ce « droit » à l’enfant qu’il nous faut réfléchir. Ainsi, il est devenu courant qu’une fois le stérilet enlevé ou la pilule arrêtée, si l’enfant ne s’annonce pas dans les mois qui suivent : c’est la ruée vers les PMA ( procréation médicalement assistée) Plus demandeuse d’enfant que l’homme, l’infertilité rend la femme anxieuse et parfois : « Après la cinquième fivete, mon couple a sauté. Avoir un enfant était un exercice d’une telle rigueur, d’une telle sécheresse entraînant tellement d’angoisse que tout plaisir de vivre notre sexualité avait disparu. » Plus nombreux qu’on ne le pense sont les couples qui se séparent après le naissance de l’enfant qui a été tant désiré…
Au nom du droit de fabriquer des enfants, contrepoint absolu au droit à n’en pas concevoir, la médecine de l’infécondité a succédé à la médecine contraceptive. Médecine s’autorisant à des grossesses de plus en plus tardives, de plus en plus urgentes. L’homme exclu de sa part de procréateur revient, hors sexe, au mieux comme sperme. Et la plupart de temps demandeur conjoint, avec la femme, d’enfants à la médecine. Naît un contrat indifférencié entre hommes et femmes : que la médecine nous fasses des enfants… La technoscience reprend à son compte la promesse d’enfant. Le discours du désir inconscient du couple, avec ses trouvailles et sa créativité, doit céder du terrain au discours aseptisé du professionnel scientifique. Comment s’étonner dès lors, des défaillances de la fonction parentale…
Un enfant à quel prix ?
L’assurance maladie santé rembourse maintenant les fécondations in vitro. Jusqu’à six essais. Mais au prix de quel parcours psychique pour la femme ? Qui, chargée de la culpabilité d’avoir un corps refusant de se soumettre aux impératifs médicaux, se laisse parfois enrôler dans un processus d’acharnement. Comme s’il fallait, à tous prix, donner raison à la technologie… L’acharnement naît de l’absence de confrontation à la douleur, au manque, à la perte. Or notre société ne tend-elle pas à dénier tout ce qui nous échappe ; à refuser l’impossible, ce qui n’aide pas à assumer des deuils et encore moins à mettre un point final !
Par ailleurs, des sommes astronomiques sont à gagner pour fournir le bébé rêvé au moment voulu. Certains font miroiter la possibilité du choix du sexe au prix de … Que ne payeraient certains pour échapper à la loi de l’Incertain, pour contrôler et planifier leur vie afin que rien de vienne surprendre leur désir. Pour certaines femmes trop soucieuses de leur vie professionnelle ou de leur silhouette, d’autres femmes sont prêtes à gagner gros pour porter un enfant à leur place… Accoucher d’un enfant à 67 ans, en Roumanie c’est chose faite… Congeler son sperme pendant 20 ans puis soudainement décider d’avoir un enfant, il y en a qui n’ont pas hésité… De plus en plus nombreuses sont les femmes qui décident d’avoir un enfant pour ne plus être seules… L’enfant est-il alors autre chose qu’un objet thérapeutique ?
« Pour moi il y a des limites à ne pas dépasser. Les médecins qui s’autorisent à ce genre d’exercices, pensent-ils à l’enfant à naître et à son possible avenir ? » Il est vrai que pour répondre au « besoin d’enfant », au tout, tout de suite, certains médecins s’y plient sans discernement. Optant pour l’enfant à tout prix au risque qu’il soit considéré comme un objet de consommation, et non comme un sujet…
Mots clés: Procréation Individualisme Parentalité