Comme tous les enfants du monde…. Quand vient la fin du jour
Portrait
Max a huit ans mais il pourrait en avoir moins ou plus. Il est né en Belgique mais pourrait être né ailleurs de parents belges ou autres nationalités. Pour tous ces enfants, une chose est certaine, quand arrive la fin du jour, il faut aller au lit.
D’ailleurs, en ce qui concerne Max, demain matin il doit se rendre à l’école et il n’est pas souhaitable qu’il s’endorme sur son banc! La chose est claire, à 19h30 il reçois la consigne de monter se déshabiller et la lumière sera éteinte à 20h. Dans nos contrées, il est de coutume que l’adulte se porte garant de l’organisation du coucher des enfants.
Une chose de la vie
S’il est bien « une chose de la vie » qui nous concerne tous, c’est notre cheminement vers l’endormissement ! La mise au lit d’un enfant est une activité pour laquelle chaque famille trimballe ses mythes et ses croyances. En plus, avec chaque enfant d’autres émotions se vivent. Introduisant un changement tant pour l’enfant qui va se retrouver seul avec lui-même que pour les adultes qui vont se retrouver en face à face, le coucher d’un enfant s’apparente à un rite de passage. Que peut nous en raconter Max ?
« Vient une heure du jour où mon père me glisse à l’oreille, à moins qu’il ne le clame haut et fort : « Il est l’heure d’aller se coucher. » Savez-vous que parfois je redoute cet instant ? Comme bien d’autres enfants je suppose. Je vous vois déjà sourire : « A 8 ans, tu n’as quand même pas peur d’aller te coucher ? » Faut-il parler de peur ? Pas vraiment en ce qui me concerne mais une certaine appréhension. Dormir c’est un peu comme mourir ! Mes yeux son fermés et ne peuvent plus surveiller ce que fait mon corps ni ce que font ceux qui m’entourent. Je n’ai plus mes parents sous contrôle. Ne vont-ils pas échanger des propos qui m’intéresseraient au plus haut point ?
En plus, ils sont à deux et moi je me retrouve seul.
C’est bien la raison pour laquelle je demande de temps en temps à ma sœur de partager une nuitée dans sa chambre. N’allez pas croire que l’on m’envoie au lit sans tambours ni trompettes. Il y a toujours l’un ou l’autre parent qui vient me souhaiter un « Bon voyage au pays du marchand de sable. » Certains soir j’ai droit à une histoire. D’autres soirs c’est eux qui racontent des histoires de quand ils étaient petits, ça j’adore ! Et quand ils me sentent un peu triste, ils insistent pour que je dévoile mon souci. Parfois je le fais, parfois pas. Après tout, eux aussi me disent qu’ils ont droit à leur jardin secret, eh bien moi aussi ! Quoiqu’il en soit, à huit heures du soir, la lumière s’éteint, « C’est la règle. » disent-ils. Comble du comble, Papa me déclare que j’ai droit à des règles ! Et que lui et maman ont droit à du temps pour eux ! Moi je préfèrerai avoir le droit de leur parler le soir aussi longtemps que j’en ai envie, d’avoir le droit de regarder, aussi longtemps que j’en ai envie, des dessins animés à partir d’une télévision installée dans ma chambre. En un mot avoir le droit de décider de l’heure d’éteindre la lumière. Comme mon copain Arnold.
Lui, ses parents ont acheté tout ce qu’il faut pour qu’il s’occupe dans sa chambre, sans doute ils ne veulent pas perdre du temps à lui imposer « des règles ». Quand je parle de cela à ma grand mère, elle m’explique que mes parents me font le plus beau des cadeaux en m’accordant du temps et des règles… Dans le fond de mon cœur, je sais qu’elle a raison. Parler à ses parents, avoir des parents qui s’occupent de mon coucher cela aide pour s’endormir sans peur, avec le sentiment de ne pas être seul au monde.
Mais puisque j’ai pas de télévision, je m’amuse à faire mon petit cinéma à moi, comme dit Papa ! J’invente que j’ai encore soif, que je dois aller à la toilette, que j’ai oublié quelque chose d’important en bas, que j’ai encore quelque chose d’important à dire… mais quand l’heure est passée, je suis rarement le bienvenu ! Il paraît que « Quand c’est l’heure, c’est l’heure. » Je ne sais pas très bien ce que cela veut dire mais ce que je sais c’est que l’on me remballe dans mon lit sans ménagement. J’ai essayé de leur faire peur en hurlant très fort, en tapant sur la porte, en descendant en me tordant avec « un mal au ventre »… Rien à faire, ils ne tombent pas dans mes pièges ! Alors maintenant j’essaye plus, c’est peine perdue… Je reste dans ma chambre et il ne me reste plus qu’à affronter la nuit.
Heureusement qu’ils veulent bien laisser la lumière de couloir allumée et ma porte entre ouverte.
Les parents de Julie refusent toute lumière. Certains adultes semblent oublier que certaines nuits sont peuplées de fantômes, ils refusent de comprendre les cauchemars des enfants. Ils refusent d’accorder du crédit aux peurs qu’engendre la nuit. Ils disent tout le temps que cela ne sert à rien d’avoir peur. On voit que ce n’est pas eux qui voient toutes ces choses la nuit. D’ailleurs les voleurs que je crains tellement de voir cachés sous mon lit, quand ils sont bien vivants dans mes rêves cela me fait hurler. Heureusement, dans ce cas, Maman arrive doucement dans ma chambre et me rassure en me serrant très fort dans ses bras. Mon copain Suad rêve de bombes qui tombent sur sa maison. C’est d’ailleurs pour cela qu’il a quitter son pays et est venu vivre dans ma ville. Il m’a tout raconté.
Tous les enfants devraient avoir le droit de s’endormir paisiblement dans un lit bien à eux. Et surtout le droit d’avoir autour d’eux des adultes responsables. Des adultes qui ne nous abandonne pas à devoir décider tout de notre vie. Des adultes qui ne craignent ni de rentrer en conflit, ni de venir asseoir au bord de notre lit pour nous parler d’eux, de nous. Des adultes qui prennent le temps de se pencher sur nos corps endormis pour y déposer un baiser de tendresse qui accompagnera nos rêves qu’ils soient des pires ou des meilleurs. »
Certains adultes confondent obligation d’être dans son lit avec obligation de dormir !
Une chose est d’avoir l’obligation d’être au lit à une certaine heure, une autre est d’être endormi. Etre au lit ne signifie pas que le sommeil vous envahit de suite. Certains enfants prennent du temps pour s’endormir. Certains se rassurent de ce grand pas dans le vide en feuilletant un livre, d’autres auront simplement besoin d’une petite lampe qui rappelle qu’au matin le soleil sera toujours là. Pour d’autres une porte entre-baillée suffit pour encore se sentir faire partie de la vie de famille. Ne sont-ce pas là des petits droits à la réassurance qui ne doivent pas être taxés de caprices ?
S’endormir, c’est renoncer à la faculté de contrôle que nous donne la conscience lors de l’état de veille. Pour faire le pas vers cet état de non-conscience, il faut une certaine « paix de l’âme ». Pour les enfants, comme pour les adultes, certains soirs sont plus soucieux et il est alors moins aisé d’installer le lâcher-prise mental nécessaire pour s’abandonner sans défense dans les bras de Morphée. Ce calme psychique fait appel à une atmosphère où le corps et le cœur se sentent hors de danger. Une empathie parentale ferme et aimante n’est-elle pas un droit essentiel de l’enfance ? En tout cas, c’est prouvé, elle chasse les cauchemars et garantit de trouver promptement le sommeil !