Dire merci, est-ce utile
« Est-ce vraiment important de demander à un enfant de dire merci ? On lui demande déjà de manger proprement, de se dépêcher, de remplir ses obligations scolaires, d’être calme et gentil, etc. La lutte pour le « petit mot magique » n’est-elle pas de l’énergie perdue ? »
Obliger un enfant à dire merci, n’est ce pas une charge de plus que nous lui imposons ? Il faut déjà se battre pour tant de choses, cette convention n’est-elle pas désuète ?
Dépendance de l’enfant
L’enfant est soumis au pouvoir parental, c’est incontournable ! Mais ce pouvoir n’est pas d’emblée issu d’une contrainte brutale mais bien plus d’une générosité ! En effet, ce pouvoir vient de ce que l’enfant est redevable en tout de la générosité des adultes. Comment un enfant pourrait-il survivre sans les soins, sans l’attention et sans l’amour d’un adulte ? Même les enfants des rues ont, au début de leur vie, du compter sur la sollicitude d’un plus grand pour rester en vie !
Dépendant, faisant l’expérience radicale que tout don est créateur d’obligations…, l’enfant se retrouve donc avec une dette immense par rapport à l’adulte. Comment pourra-t-il la rembourser ? A moins qu’il ne doive sa vie entière se sentir en dette ?
Pour se libérer de cette obligation en payant le prix qui lui permettrait de s’acquitter de sa dette, l’enfant n’a rien. La seule issue qu’il puisse imaginer est de se donner lui-même tout entier…Ainsi certains adultes, souvent à leur insu, en profitent pour l’assujettir à satisfaire leur manque. « Avec tout ce que je fais pour toi il est normal que tu sois gentil et que tu penses toujours à me faire plaisir… » Il n’y a pas que les viols physiques qui laissent des blessures, les viols psychiques sont tout aussi ravageurs…
Le devoir de l’adulte
Contrairement à ce que pensent certains, le devoir de l’adulte n’est pas d’avoir à exercer son pouvoir sur l’enfant. Ce qu’il a à exercer, c’est une autorité ! A savoir « faire naître, grandir. » Ce qui n’est pas du tout la même chose que le pouvoir. Au contraire l’autorité c’est se démettre de son pouvoir !
Se démettre de son pouvoir, c’est accepter que s’il donne, l’adulte s’engage en même temps à indiquer quel est le prix symbolique à payer pour que l’enfant puisse s’acquitter de la dette contractée. Pour ce faire, le « petit mot magique » joue un rôle essentiel. De plus, ainsi faisant, l’adulte s’engage à accepter qu’en recevant le prix symbolique du « merci », l’enfant ne se sente plus redevable donc plus dépendant de lui. Car tout don désintéressé implique, pour celui qui reçoit, la promesse que le donneur recevra ce qui lui sera donner en retour.
Le devoir de l’adulte sera de donner à l’enfant ce qui va lui permettre de se libérer de la dette qu’il contracte en recevant tout ce dont il a besoin. Si un adulte dispense un pouvoir arbitraire face à un enfant en appel de besoins sans mettre en place la possibilité d’une relation d’équité, alors ne pourra se construire, entre eux, une rencontre sur pied d’égalité de deux individus désirants…
De l’importance d’apprendre à un enfant à dire « merci ».
Le « petit mot magique » l’est donc plus qu’on ne le penserait à première vue ! C’est un trésor que l’enfant est en droit de posséder !
En incitant un enfant à dire merci, nous lui faisons entendre qu’il a payé le prix qu’il convient de payer, en échange de ce que l’adulte lui dispense. Le merci libère l’enfant de son obligation, de sa dette. Que ce payement n’ait aucune commune mesure avec la valeur de ce que l’enfant a recu, n’a aucune importance. C’est un prix « symbolique ». Et la seule chose qui compte c’est qu’il s’agisse d’une convention, d’une loi que tous reconnaissent : un merci aboli la dette !
Une fois que l’enfant a appris et compris cette convention de « payement symbolique », il est bien sûr indispensable que l’adulte n’ait pas le sentiment que l’enfant lui soit quand même encore redevable de toute cette éducation, de ces soins qu’il reçoit quotidiennement. Qu’ils n’aient pas à lui faire entendre d’une façon ou d’une autre que dire « merci » ne suffit à payer « tout ce qu’ils font ou ont fait pour lui » !
Spontanément, un jour, une jeune femme me raconta : « Lors de mon voyage de noces, j’ai écrit à mes parents en leur disant « Merci » pour tout ce que vous avez fait pour moi depuis ma naissance. » Ainsi, sans doute s’en rendre compte, apurée de toutes dettes vis à vis de ses parents elle pouvait, légère, se lancer dans sa vie de femme, de couple et de future mère…
Mots clés: Humanisation Apprendre Communication