Dis, fais moi un dessin
Cette nuit, j'ai fait un rêve.
Debout, dans une belle grande pièce, je me retrouvais entourée d'enfants et d'adultes. Les enfants se promenaient des dessins à la main, les adultes étaient assis. Je regardais avec interêt tout ce qui se passait autour de moi.
Un enfant passe près d' une dame, un dessin dans chaque main; elle lui prend un des dessins, le regarde et le laisse tomber négligeament au sol. Puis se saissisant de l'autre elle le dépose devant elle. Songeuse elle le regarde et dit en interpellant le petit: "Pourquoi fais-tu des dessins qui ne veulent rien dire? Il n'est pas beau avec ces lignes qui ne sont pas droites. Tu devrais t'appliquer à faire des belles images comme dans les livres!"
Pendant ce temps un petit bonhomme, haut comme trois pommes, se promène, un papier tout barbouillé de couleur aux bout des doigts. Utilisant des pastels, il avait entièrement recouvert les deux faces de sa feuille de belles couleurs vives. "Quel sale dessin, s'exclame un monsieur, tu en as mis partout, et d'ailleurs regarde tes mains, de quoi as-tu l'air? Va les laver" Et joignant le geste à la parole, il jeta le dessin dans un panier à papier.
Dans un autre coin de la pièce, une petite fille voit ses dessins examinés par une dame qui malgré son regard bienveillant, fait le commentaire suivant: " Je suis contente que tu dessines, cependant tu dois faire un effort et essayer de réaliser des dessins "de grands" en représentant les choses telles qu'elles sont. Une maison avec un toit bleu, cela fait un peu bêbête. Et puis l'histoire que tu racontes concernant ton dessin, n'est pas très raisonnable, une fleur ne peut pas parler à un arbre, il n'y a que les humains qui ont la faculté de penser et de parler avec des mots!"
Cette fois, c'en est trop! Je ne me retient plus et m'exclame: "Mais quand donc comprendrez vous, vous autres adultes, que les dessins d'enfants sont pleins de messages, pleins de symboles, que tout ce qui s'y trouve à un sens! Les dessins sont le vrai langage de l'enfant, par leur truchement ils peuvent exprimer le monde selon leur véçu, leur perception!"
Eclats de rire de la part du monsieur qui avait jeter le dessin du petit garçon dans la poubelle. "Tout cela ne sont que sottises de psychanalyste! Du symbolisme dans des gribouillis d'enfants... laissez moi rire et tentez la prochaine fois de dire des choses plus intelligentes!"
Je me reveillai écoeurée...comment faire comprendre aux adultes la valeur des dessins d'enfants? Comme si seuls comptaient les mots. Ont-ils donc oublié ces adultes qui se targuent d'être les seuls détenteurs d'un savoir "vrai", qu'en écriture le mot est rendu possible grâce aux "lettres", issues elles-même, sans doute, du dessin?
Continuant, éveillée, ce rêve, je tentai de trouver les phrases justes permettant de réhabiliter, aux yeux des adultes, la valeur, le sens et la raison d'être des dessins d'enfants. Je vous fait part des idées surgies à ce moment .
Le dessin de l'enfant nous parle de la manière dont il à conquit l'espace. Dans ses premiers tracés, le tout petit, projette du rythme, du mouvement; mais jamais n'importe quel rythme ou n'importe quel mouvement; ils sont toujours en rapport avec l'environnement, l'atmosphère générale, la relation du moment.
L'enfant sera vraiment bien né au monde quand il peut placer le ciel en haut et la terre en bas. Il crée son espace extérieur. Se situant entre ciel et terrre comme il est entre père et mère, il a atterri, car il a pu séparer le ciel et la terre. Aussi le moment où, sur sa feuille, il trace le ciel est-il un grand moment de son histoire: comme Dieu, il a crée le ciel et la terre. Dès lors, il y a un haut et un bas; les opposés sont bien là. Il y aura donc place pour le solide et le liquide, pour le jour et la nuit. Il va pouvoir faire éclore des fleurs, pousser des arbres, tomber la pluie. Et puis, il y aura des nuages, parfois bien sombres dans le ciel car ses joies et ses soucis d 'ordre affectif viennent imprégner son dessin.
Il joue, il joue à l'infini; il est créateur du monde, de son monde, et son monde change. Jour après jour, il le recrée à son image. Et puis le monde le malmène, il s'y heurte, il lui cède. Sa réalité refuse ou accepte la réalité qui l'entoure. Il s'y confronte, y entre, perd sa créativité...Il faudra toute une vie pour la reconquir...reconquir un imaginaire que nos sociétés sophistiquées mettent en péril pour imposer une réalité trop brutale.
Mots clés: Dessin Jeux Intelligence Imagination