Grandir, c’est apprendre à apprivoiser la violence
La violence qui sévit angoisse et pose question. De toutes parts, des mouvements de violence destructrice semblent être, ces dernières années, un des moyens par lequel l’humanité crie de plus en plus sa détresse.
Quel combat faut-il mener?
« On est d’autant plus violent que l’on est peu humanisé! » dit-on. Est-ce contre la violence qu’il faut se battre ou pour plus d’humanité?
Eradiquer la violence? Impossible !
La violence est un paramètre incontournable et inconditionnel du vivant!
Violence du fœtus qui se concentre vers un but: grossir en multipliant le plus rapidement possible ses cellules et cela sans se poser beaucoup de questions métaphysiques au sujet du corps qu’il envahit !
Violence totalitaire du nouveau-né qui a pour projet: « Je veux survivre, mon corps veut vivre et être plein ! » Pour survivre, le tout petit, doit se faire entendre, crier afin de faire connaître son incommensurable besoin de nourriture tant physiologique qu’affectif, son besoin de chaleur, de protection, etc. Cette saine violence assimilatrice, qui veut pouvoir absorber et avoir en soi tout ce qui lui est nécessaire, est une réaction défensive et vitale.N’oublions pas qu’un tout petit enfant se sent très vulnérable l’angoisse d’abandon surgit rapidement. Aussi à cet âge, la violence est totale, elle défend l’Etre et la Vie, elle ne s’adresse à personne et à tout le monde.
Un entourage capable d’accueillir favorablement cette violence et y répondant avec empathie, permettra à l’enfant de fixer les fondements de sa sécurité de base dans la vie. Ainsi, petit à petit s’estompera la menace de se sentir moralement ou physiquement menacé « d’inexistence ».
Apprivoiser la violence.
En grandissant, l’enfant prend conscience de son existence, de sa différence d’avec les adultes et les autres enfants.
Entamant, dans le meilleurs des cas, une bonne crise d’opposition, le petit va vouloir mesurer sa puissance sur le monde qui l’environne. Maintenant l’enfant veut tout avoir, tout prendre, il veut dominer, faire céder l’autre. Ses premiers « Non » sont ses premières affirmations d’identité. Se réveille alors une violence qui a pour objet de vivre selon son désir, violence qui tâche de soumettre l’autre à ce désir et ce parfois sauvagement avec cris et coups. En effet, à ce stade, l’enfant n’a aucune idée de ce que l’autre ressent.
C’est pourquoi lors de cette phase cruciale de son développement, il est indispensable pour l’enfant de se trouver en face d’adultes capables de mettre une limite à son désir de toute puissance, capable eux aussi de dire « Non ».
Ici rentre donc en jeu un des rôles essentiels de l’éducation: l’apprentissage de la notion de Loi. Tout n’est pas permis, tout n’est pas possible. Se révélant un principe fondamental pour régir les rapports entre humains, la mise en place de la Loi permettra d’apprivoiser la violence en la muant en saine agressivité.
Une saine agressivité
Fille apprivoisée de la violence, l’agressivité est le moteur qui nous propulse dans la vie. Comme la violence, son but est le Pouvoir, « Pouvoir vivre et réaliser mes désirs.» A la différence de la violence, elle tient compte de la Loi, « Je ne peux pas avoir n’importe quoi en faisant tout comme je le sens! » Violence canalisée, elle soustend la pulsion d’emprise qui nous pousse à prendre la nourriture, le plaisir, l’argent, la culture…tous les pouvoirs que nécessite notre Désir pour se vivre et se réaliser de façon humanisée. Loin donc d’être l’expression d’une nature perverse, l’agressivité nous pousse à la rencontre avec l’autre. Une rencontre heurtante, souvent dérangeante car source de conflits ou de rivalités mais qui nous ouvre une porte essentielle : la découverte de l’autre dans sa différence.
C’est en découvrant leurs ressemblances que les humains se rencontrent mais s’ils ne découvrent pas leurs différences, ils ne peuvent pas être authentiques, ni créer entre eux une relation humanisée et dynamique. Ainsi, l’agressivité, guidée par la loi qui l’oblige à respecter les rituels de rencontre, ouvre la voie au bonheur de construire des projets avec d’autres tout en respectant la croissance individuelle, sociale et humaine de chacun. Une bonne gestion de l’agressivité permettre de trouver un équilibre entre le respect de soi et celui de l’environnement.
Notre agressivité est notre alliée, notre amie mais nous ne devons jamais lui laisser dicter les règles! L’agressivité redevient violence le jour où elle n’est plus soumise à la Loi que nous ont transmis les adultes qui nous ont aidés à grandir. A notre tour, en nous appuyant sur notre agressivité qui nous permet de dire Non à nos enfants, nous transmettrons la Loi. Nous partagerons avec notre descendance les rituels de rencontre et de respect entre humains.
Humaniser un enfant
Eduquer c’est humaniser un enfant, à savoir : ni tout lui interdire, ni tout lui permettre. C’est l’aider à trouver ce difficile compromis, où dans un même espace corporel et psychique une place est accordée tant à la Loi qu’au Désir propre.
En effet, un des buts essentiels de l’éducation sera de mettre en place des interdits des limites qui règlent les rapports entre l’enfant et le monde. Ceux-ci ont pour but d’organiser le monde pulsionnel de l’enfant, de l’aider à « dompter » ses pulsions et non pas de les nier! Eduquer ce n’est pas se livrer au vain combat d’éradiquer la violence mais aider l’enfant à l’apprivoiser et à la transfigurer en saine agressivité.
Permettre à un enfant de se sentir armé dans la vie ne signifie pas laisser le désir s’engouffrer dans n’importe quelle direction, ce n’est pas lui laisser les rênes sur le cou mais l’initier pas à pas, avec l’aide de la parole et de nos actes, à la réalité d’une vie entre humain.
Humaniser un enfant, le socialiser pas à pas, c’est le faire accéder au principe de réalité en élaborant des règles et des limites qui le guideront dans la connaissance de ce qui se fait ou ne peut se faire. En situant mieux si une idée est juste ou fausse, l’enfant s’inscrit dans la réalité et peut devenir auto-responsable.
Mots clés: Violence Vie Humanisation Désir