• parent-enfant-main
  • enfants-plage
  • fille-ado-chien
  • mains-adulte-enfant
  • garcon-et-bebe
  • enfants-bataille-coussins
  • fille-nounours
  • fille-ado-ecole
  • fille-portable
  • garcon-dessin
  • enfant-dessin
  • garcon-feuilles
  • garcons-tire-la-langue
  • bebe-frere
  • parents-mains-fillette
  • bebe-bac-a-sable
  • fille-chien
  • fille-bulles
  • enfants-bataille
  • garcons-riviere
  • fille-mer-chien
  • velo
  • maman-bras-bebe
  • garcon-couche-chien

Je me sens comme si je ne voulais plus sentir

Certains enfants nous déconcertent lorsque, en leur adressant la parole, en leur demandant de participer à une tâche, qu'il s'agisse de se déshabiller ou d'écouter en classe, nous les observons comme absents du lieu où ils se trouvent. Leur corps est bien là mais l'esprit est ailleurs.

L'enfant dans les nuages

"Votre enfant est intelligent mais il risque de rater son année car il n'a aucune capacité de concentration" répètent à longueur d'année les enseignants, découragés qu'ils sont de voir tant d'enfants "dans la lune". Mais à quoi donc rêvent-ils ?

"Quand je lui demande quelque chose, disent un certain nombre de parents, je dois le répéter x fois, c'est comme s'il ne m'entendait pas!" Les examens d'ouïe ont d'ailleurs pas mal de succès ces derniers temps !

Ces enfants sont-ils de mauvaise volonté ou tout simplement paresseux ? Certains adultes prennent la chose de cet angle. D'autres plus inquiets se demandent pourquoi participer à la vie quotidienne semble les désintéresser. Pour ma part, j'opterais pour une troisième voie : ces enfants ne sont ni paresseux, ni indifférents à la vie mais plutôt butent sur une question existentielle dont la solution leur semble introuvable ou impossible à résoudre. Ne pouvant aller plus en avant dans leur croissance psychique, ils tentent de se "déconnecter" de la réalité pour… ne pas trop souffrir !

Quelles questions ?

"Rien n'est plus mutilant que de passer son temps à se poser des questions !" me dit un jour une jeune femme. Nombre d'enfants et d'adultes peuvent témoigner de la douleur lancinante d'une question qui reste sans réponse.

Or l'enfance, loin d'être une période de vie idyllique et sans soucis, comme la décrivent certains adultes (qui n'ont sans doute plus conscience de ce que fut la leur !), est un cheminement jalonné de questions qui, se résolvant les unes après les autres, permettent l'avancement structurel de la psyché.

Laissez moi vous décrire quelques-uns de ces moments clés. Ainsi, ce n'est pas sans questions et sans angoisse que l'enfant de 6 mois découvre qu'il ne forme pas un "Tout" avec sa mère mais qu'au contraire il court à chaque instant le risque de perdre son havre de sécurité. De cette constatation surgit la question : "Que dois-je faire pour qu'elle ne m'abandonne pas ?" Les circonstances de la vie peuvent, dans la réalité ou dans le fantasme de l'enfant, se dérouler de telle façon que chez l'enfant naisse le sentiment qu'il n'intéresse plus sa mère et que par conséquent il n'a pas trouvé la bonne réponse à cette question. Et l'enfant grandira avec une question pénible " Et pourquoi moi, on ne m'aime pas ?"

Une autre question cruciale surgit, lorsque, grandissant, l'enfant découvre via la crise d'opposition, la possibilité de sa "différence entre lui et l'autre". Il inaugure le fait de dire "Non, pas soupe" là où l'adulte dit "Oui mange, la soupe est bonne". C'est très beau la découverte de la différence entre Moi et Toi mais jusqu'où Moi peut-il affirmer sa différence sans perdre ce cher Toi, qui est le toit qui me protège et me rassure ? Si cette phase d'opposition crée trop de malentendus, cette question sera telle l'épée de Damoclès, extrêmement angoissante.

Suite à ses découvertes grâce à sa motricité et à l'enrichissement de ses connaissances, l'enfant constitue son individualité propre et au travers de processus d'identifications, il construit son Je. Palpitant tout cela mais surgit un nouveau questionnement : "Y a-t-il une place pour ce JE là dans la famille proche et élargie et dans l'univers social?" Quelle place?" La constitution et l'histoire de la famille ou encore les aléas du cheminement scolaire peuvent faire de cette question un théorème impossible à résoudre.

Le difficile compromis entre le "il faut" et le "je veux"

Face aux innombrables questions qui surgissent, s'ajoute celle des exigences personnelles, celles de mon corps – de mon Moi – du Je, de mon Désir, confrontées aux exigences de l'Autre – Toi – ce Tu dont j'ai besoin mais qui ne désire pas toujours ce que je désire!. La question du désir amène certains enfants à "bloquer" leur évolution face à trop de paradoxes insolubles.

Le "Il faut", qui quoiqu'on veuille fait partie de la vie quotidienne, devient paralysant lorsqu'il n'arrive pas à se conjuguer un tant soit peu avec le "c'est ce que je veux". Le désir se trouve alors coincé entre "un imposé" et "un choix personnel". Déchiré entre la crainte de perdre l'amour de l'autre et celle de perdre mon "je veux".

Petit exemple : L'école est obligatoire, si l'enfant n'y retrouve pas un certain plaisir personnel dans ces moments, il risque de s'en désintéresser complètement ou même de se braquer dans un refus raidi de tout ce qui pourrait se donner à vivre ou à apprendre.

Se sentant menacé de perdre son intégrité psychique, l'enfant parfois va jusqu'à raidir son corps, ainsi me le décrivit l'autre jour un adulte :"Plus je rencontre des "il faut", au plus mon corps se raidit – ça coince – ça s'endort. J'éprouve un immense sentiment d'inconfort. J'ai l'impression de ne plus savoir bouger. La seule image qui vient est l'envie de partir"

L'envie de partir, d'être ailleurs.

Le "il faut" imposé qui ne peut, d'aucune façon, rejoindre le "c'est ce que je veux" personnel, est comparable à l'image de deux personnes devant dormir dans un lit trop étroit. Il y en a toujours un qui se sent mal! Qui a mal au dos ou qui a froid ! (Peut-être n'est ce pas pour rien qu'actuellement tant de gens souffrent du dos…)

Face à des questions insolubles, devant une impossible "légèreté de vivre", l'enfant, tel une mouche au plafond, inverse ses sensations et se focalise sur des ressentis intérieurs (les rêveries, par exemple), qui sont bien plus gratifiants que son vécu par rapport au monde qui l'entoure !

Sa pensée s'enfuit, sont corps ne veut plus savoir se qu'il ressent du monde extérieur, il ferme ses écoutilles, il est déconcentré…

Plutôt que de doper ces enfants déconcentrés à coups de Relatine, de les invectiver face à notre déception devant leur manque de motivation, ne serait-il pas plus utile d'essayer de comprendre quelle question, restée suspendue, cause cette fuite dans un ailleurs ?

Mots clés: Souffrance Rêve Humanisation Identité Effort Désir