L’école, ça sert à quoi?
« A quoi donc sert l’école ? » N’est ce pas une interrogation essentielle que nous posent les enfants ? Et à laquelle il y a réponse plus subtile qu’un laconique : « Parce qu’il le faut, parce que tous les enfants doivent aller à l’école ! Ca sert à apprendre à lire et à écrire. »
Haut lieu de l’éducation, l’école ne serait-elle qu’une institution où l’on gave de connaissances ? Il est vrai qu’il fut un temps où l’école prenait essentiellement en charge, la transmission d’un savoir intellectuel. Elle « nourrissait », et le bon élève était celui qui « assimilait » bien ce qui lui était offert et se montrait capable de reproduire parfaitement les données transmises.
De nos jours, l’école n’a-t-elle pas pour fonction d’être un lieu qui « montre le chemin » ? Un endroit où l’enfant apprend à trier et à digérer la foule d’informations qui le bombarde journellement. Un endroit où l’on apprend à trier le blé de l’ivraie, un lieu qui ouvre à la possibilité « de choisir par ce que j’ai appris à penser »
Choisir quoi ? Qui je veux être ! Afin de ne pas devenir le jouet d’une société de consommation et d’hyper sécurité. Culture donnant à la science et la technologie un tel pouvoir sur l’homme que celui-ci en devient son objet. L’école n’a-t-elle pas comme tâche essentielle d’amener les enfants à rester sujet d’eux-mêmes ? En toute humanité…
Un lieu pour apprendre à penser.
A l’école l’enfant affronte « la vraie vie », s’ouvrant ainsi aux questions que quotidiennement celle-ci fait surgir. Soutenant le questionnement, l’école aide les enfants et les jeunes à assumer l’importance de trouver des réponses. Ils pourront ainsi utiliser tous leurs acquis pour s’en sortir le mieux possible, afin de ne pas vivre en « aveugle » ou se retrouver « muet » face à l’adversité ou au bonheur. Même si certains n’y croient plus, l’école est là pour réveiller chez l’enfant la jubilation de penser !
Penser ce n’est pas que faire appel à nos capacités mentales ! Penser dans le plein sens du terme fait aussi appel aux aspects moteurs et affectifs qui composent l’être humain. Aspects qui évoluent et varient au fil de jours. Penser ne se limite donc pas aux raisonnements logiques et déductifs puisque penser c’est aussi trier, relier, transformer les sensations en affects et en pensées. Penser permet de donner un sens au réel, selon la spécificité de notre désir et les expériences que la réalité nous impose. Penser c’est savoir gérer sa vie, ses projets, s’investir dans son présent, connaître son passé, se projeter dans l’avenir. Tout un programme !
Plus nous saurons apprendre aux enfants à « penser large », plus nous stimulerons leur capacité de tolérance et leur sens critique.
Un lieu pour apprendre à apprendre
L’enfant passant une importante tranche de sa vie à l’école, il y puise un enseignement lui permettant de mettre de l’ordre dans le réel. Favoriser les apprentissages n’est ce pas avant tout leur donner un sens ?
Apprendre à apprendre, c’est apprendre à donner un sens à ce que nos sens captent. Pour ce faire, la capacité de concentration doit être stimulée ; Pour cette raison, l’école veille à une alternance adéquate de détente et de loisirs qui oxygènent.
Pourquoi les jeux d’ordinateur ont-ils tellement plus de succès que les cours didactiques donnés par des professeurs certainement compétents et instruits ? Sans doute, parce que nous sommes dans une ère qui souhaite de l’interactif. Besoin de dialogue, d’une pédagogie qui favorise la parole mutuelle. Si elle accepte cette évolution, l’école peut devenir un lieu qui rassemble par les questions que se posent les élèves et qui, du moins pour certaines branches, autorise des réponses différentes.
Par ailleurs, l’école permet aussi d’acquérir le sens de la rigueur et de la soumission à certains incontournables. Un plus un fait deux, cette règle doit être acceptée même s’il ne s’agit que d’une convention humaine. La date d’une guerre n’est pas interchangeable, c’est un fait à retenir même si le temps n’est qu’une invention de l’homme.
Un lieu pour donner le goût à l’effort
Les réussites demandent du courage et de la ténacité. Or, nous vivons sous le signe de l’éphémère. Tout contribue à donner aux enfants la sensation que l’argent, la gloire peuvent s’acquérir en un coup de baguette magique, sans effort. Comment dans ce cas les convaincre que le temps et la concentration sont nécessaire à la réussite ?
Rappelons que « faire un effort » est un concept d’adulte puisque le propre de la vie psychique de l’enfant est d’être axé sur le principe du plaisir ! L’amour de l’effort n’a donc rien de naturel. Par ailleurs, notre époque accordant beaucoup de poids aux liens affectifs et les parents craignant la rupture de ceux-ci, ils ont parfois de la peine à faire découvrir qu’au-delà du principe du plaisir il y a le principe de réalité. Ils font les devoirs de l’enfant pour lui éviter une mauvaise note mais ils l’empêchent ainsi de découvrir les conséquences de ses actes. Il le dépossède de ce qu’il a à assumer. De même veiller à ce que son sac de gym soit prêt, à ce qu’il n’oublie pas son maillot, etc ne lui rend pas service car c’est penser à sa place. Celui qui n’apprend pas que pour avancer dans la vie, il faut savoir la penser, ne peut acquérir le sens de l’effort.
Face à un enfant qui ne fait pas d’effort scolaire, on entend trop souvent dire « Il est paresseux » Cette disqualification de la personne ne stimule en aucun cas l’effort, tout au contraire ! Un enfant paresseux, cela n’existe pas, mais existe nombre d’enfants à qui on n'a pas enseigné le goût à l’effort…
Faire les efforts à la place de l’enfant, lui apporter les solutions toutes cuites l’empêche de réveiller son désir, d’élaborer des stratégies pour réaliser ses projets, de développer son intelligence et son imagination. Or l’école, justement, ça sert tout cela !
Un lieu pour apprendre à assumer des échecs.
« L’échec est le fondement de la réussite » nous enseigne Lao-Tseu. Certains jeunes, hélas trop nombreux, ne terminent pas le cycle scolaire en obtenant un diplôme. Doivent-ils par conséquent se considérer comme des déchets de notre société ? Si on n'a pas cet outil-là en main, n’y en a-t-il pas d’autres ? Arrêtons de diaboliser l’échec scolaire et de convertir une position socio-économique en titres scolaires. L’école ne sert pas qu’à fournir des diplômes. Son rôle essentiel est de favoriser une émancipation sociale, de solliciter chez chacun le sens de l’autre et le respect de soi.
L’école un lieu pour apprendre la solidarité
A l’école, élève parmi d’autres, l’enfant s’extirpe du contexte individualiste qui transpire de toutes parts dans notre culture moderne. Découvrir que l’autre en face n’est guère meilleur ou pire mais simplement différent. Qu’il souffre et rit comme soi-même si ce n’est pas pour la même chose est un apport essentiel de l’apprentissage scolaire ! Prolongement de ce qui déjà c’est expérimenté en famille. Lieu où l’on apprend une relation positive avec le monde social, relation qui se conquiert à coup de compétences réelles, de services rendus et de réciprocité.
C’est pourquoi l’on devrait regarder l’école comme un lieu d’humanité, instruisant à la solidarité. Ce qui n’empêche en rien de faire de la place à l’esprit de compétitivité, afin d’éprouver la joie de gagner et d’apprendre à assumer de perdre. Car telle est la vie et l’école est avant tout un lieu de Vie.
On pourrait conclure que l’école ne sert pas à donner des bons points aux parents, ni à ce que la scolarité de l’élève serve de preuve à la faculté d’être bons ou moins bons parents…