La maison de mon enfance
« Moi, j’ai eu beaucoup de maisons ! » « La maison de mon enfance ? C’est celle où habite ma mère. » « Oh, pour moi, c’est la maison de ma grand-mère ! »
Pour les uns, LA maison de leur enfance sera la maison familiale, pour d’autres se sera une maison de vacances. Pour certains, comme Caro : « Moi, « la maison de mon enfance » est une image qui n’évoque rien – aucune nostalgie. Pourtant c’était une très belle maison avec un immense jardin, nous ne manquions de rien. J’y ai passé toute mon enfance mais n’en garde aucun souvenir ému. Ma mère ? Une femme froide, sans fantaisie et ainsi se déroula notre enfance. »
Que peut apporter une maison ?
Une maison qu’elle soit un appartement ou un château, qu’elle soit petite, rudimentaire ou luxueuse, est avant tout un contenant placé dans un environnement. Elle comporte des espaces, des possibilités d’échange, de passages d’un lieu à l’autre.
Premier espace exploré, symbole du milieu familial où se déroulent les toutes premières expériences décisives, la maison apparaît violemment chargée d’affects. Prolongement du corps et de la personnalité de l’enfant, elle constitue pour lui un véritable environnement c’est à dire le monde usuel de son expérience perceptive et pragmatique. Cognitive et affective, lieu où se déploient les premiers gestes, refuge contre un univers inconnu et menaçant, la maison fonctionne comme un espace mythique. L’enfant y projète ses angoisses, ses fantasmes. La maison cesse alors d’être un lieu cosmique pour devenir l’image de ce corps organique et intérieur qui n’est autre que l’espace du corps et des sensations viscérales.
Notre première maison.
La première maison, celle que, tous, nous avons habité, c’est le sein maternel! De ce lieu d'où s'épanouit l'élan vital des forces primitives, nous avons gardé le souvenir de sa tiédeur, de sa pénombre, le secret d'une fabuleuse croissance et l'angoisse de sa sortie étroite. Notre première maison est ce corps de mère qui « fait naître ».
Pas étonnant dès lors que l’image de notre maison d’enfance soit teintée par celle qui occupe la place de « maîtresse de maison", de celle dont dépend la tenue matérielle et l'atmosphère du lieu. La maison renvoie donc à l'éternel féminin avec tout ce que cela évoque de douceur, de protection, de sensualité, de mystère et parfois de crainte.
Par extension la maison est aussi symbole de la famille. Puisque dans ce lieu celle-ci se retrouve, mange, dort et s'échange des mots durs, tendres ou vides. Par ses fenêtres on s'ouvre au monde, par ses portes on va et l'on vient, on change de lieu. La maison de notre enfance, celle qui reste imprégnée dans notre mémoire, sera celle qui symbolise l’univers chaleureux, froid ou indifférent dans lequel nous avons grandi.
Au creux de ces différents espaces qui s'imbriquent les uns dans les autres tels une poupée gigogne, chacun de nous construit une image interne qui s’appelle : la maison de mon enfance.
Maison des grands-parents
« Moi, la maison de ma grand-mère, j’en rêve encore. Dans mes souvenirs c’est une maison de conte de fée avec une pompe manuelle et des cuivres. Je frisonne encore de bonheur en pensant à ma grand-mère et à son jardin magique. Mais, sans doute, était-ce ma grand-mère qui était un peu magique ! Quand nous étions chez elle, tout son temps nous était consacré, elle nous a appris tant de choses. »
« Mes grands-parents étaient disponibles, ils nous intéressaient à plein de choses, ils éveillaient notre esprit. Grand-mère nous apprenait à faire des fleurs en papier, grand-père nous a appris à jouer aux cartes. Ressentir comme ils avaient l’air de s’amuser en faisant tout cela avec nous, là, se nichait notre vrai bonheur. » Ainsi la maison de l’enfance peut aussi être celle des grands-parents…
Maisons de vacances
Notre monde ouvert à tout vent, qui veut que nous puissions tout voir, tout découvrir, zapper d’un lieu de la planète à un autre, ne doit pas nous faire oublier le bonheur pour un enfant de retrouver ses repères. La maison de vacances, le camping, la plage ou le village où d’année en année les enfants retrouvent leurs souvenirs en voilà un beau facteur d’ancrage ! Lieux d’habitudes et de rites, lieux où poussent des racines, des ententes, des amitiés soudées par tant de souvenirs communs, lieux où naissent les premiers amours… Les amis d’enfance ne sont-ils pas ceux qui éveillent en nous les liens les plus forts même après de longues années de séparation ?
De l’importance de faire d’une maison un lieu de vie
Dans notre monde de gens speedés et dévorés par des impératifs médiatiques qui souvent leurrent plus qu’ils ne nourrissent l’âme, pensons-nous assez à donner à nos enfants une maison d’enfance ? Un lieu dont l’essentiel n’est pas de disposer de toute la technologie, de la sécurité matérielle tant vantée mais plutôt d’un environnement qui permet d’imprimer dans le cœur d’un enfant des traces d’amour, de rire, de créativité, de rencontres véritables.
« La maison de mon enfance » est souvent celle que nous retrouvons dans nos rêves. Celle où nous avons grandi avec nos yeux et notre taille d’enfant. Celle qu’adulte nous avons du mal à reconnaître car les cheminées ne sont plus si hautes et les poignées de portes on les atteint sans effort. La maison de notre enfance c’est celle où nous étions des nains vivants au pays des géants. Toute la différence des souvenirs sera dans la rencontre avec les géants. Ont-ils été des ogres, des titans bienveillants ou terrorisants ? L’enfance imprègne le cerveau de façon bien plus indélébile que ce qui aura à se vivre plus tard, c’est connu.
N’est ce pas magique d’ainsi pouvoir procurer à nos enfants leurs premiers bonheurs ? De pouvoir faire briller des étoiles dans leurs yeux ? Quand dans une maison beaucoup d’étoiles ont pu scintiller, elle devient une maison d’enfance qui vous porte tout au long de votre vie.
Comme le dit si justement Jacqueline Royer : "L'image de la Maison, heureuse ou pas, nous accompagne tout au long de cette vie. Cet archétype, lié à notre sécurité, à nos amours, à nos possessions, à notre statut social, est inscrit au plus profond de nous-même, jusque dans notre animalité, comme la coquille l'est à l'escargot."
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