La mort
Des grands parents meurent, des parents meurent et hélas, il arrive que des enfants meurent. Comment parler de la mort d’un enfant à un enfant ? Un enfant n’est-il pas programmé pour vivre longtemps ? Face à un enfant qui va mourir, qui va perdre ou a perdu un ami de son âge, les questions concernant la mort se profilent immanquablement.
« Moi aussi, vais-je mourir ? » «Où va-t-on quand on est mort ? » « Mes parents vont-ils mourir aussi ? » Faut-il se taire ? Faut-il parler ? Comment ?
Comment aborder la question de la mort ?
Serait-il vrai qu’un enfant ne souffre pas de ce qu’on ne lui a pas dit ? Nombre d’adultes projètent sur l’enfant, surtout s’il est petit, une ignorance, une innocence qui le mettrait à l’abri de savoirs douloureux. Le silence, les non-dits cherchant à préserver l’enfant des réalités de son existence, sont-ils protecteurs ? L’expérience nous prouve, qu’au contraire, s’avèrerait primordial pour l’enfant, quel que soit son âge, d’entendre des mots justes et vrais dits à propos des évènements et des sentiments qui le concernent.
Aussi plutôt que d’écarter le face à face avec la mort en banalisant, en déniant ou en cherchant les faux-fuyants, n’est ce pas dans le vif de l’émotion que l’adulte peut aider un enfant à intégrer sa mort ou celle d’un proche parent ? A chacun sa manière de parler du cadeau qu’est la Vie et du mystère qu’est la Mort, mais l’essentiel n’est-il pas de pouvoir y mettre des mots ? C’est un des messages de Schmitt dans son livre « Oscar et la dame en rose. » Les mots offerts par la dame en rose permettent à Oscar de donner au temps une autre dimension. Grâce à cette approche vraie et créative, Oscar a pu redéfinir son temps de vie. Jusqu’au bout, sa vie fut pleinement remplie.
Dénier la mort.
Il est vrai que parler de la mort à l’enfant, n’est guère aisé pour l’adulte car cela met en jeu la manière dont lui-même a, depuis sa toute petite enfance, assumé sa vie, son corps et sa mort.
Certains adultes dénient la mort, essayent de noyer le poisson par des comportements mensongers ou cachent leur désarroi par le don de choses matérielles. L’enfant perd alors confiance en l’autre et se sent seul et abandonné. En effet, lorsqu’un adulte lutte contre son émotivité, prend des airs faussement détendus tout en transpirant d’angoisse et de chagrin, l’enfant souffre et s’inquiète … Se sentant coupable de faire souffrir l’adulte, deux issues lui sont offertes. Soit, rentrant dans le silence, il coupera la relation et se retrouvera alors seul face à toutes ses questions. Soit, il s’efforcera de consoler l’adulte en lui disant qu’il ne doit pas s’en faire, que tout cela « n’est pas si grave »…
Certains adultes cherchent à enjoliver la réalité. Dire à l’enfant que la personne est partie « pour un long voyage » ne fait qu’induire l’idée que celle-ci peut revenir. Ou encore comparer la mort au sommeil par « il dort très profondément » risque de faire déduire par l’enfant que lorsque l’on dort, on peut éventuellement ne jamais se réveiller…
Y a-t-il une vérité à dire sur la mort ?
La réalité de la mort s’intègre différemment pour chacun d’entre nous. A fortiori, ce phénomène pour le moins troublant qu’est la mort, l’enfant le comprend à sa manière.
Il apparaît que pour un enfant de moins de 5 ans, la mort n’est pas reconnue comme telle, Vie et Mort faisant partie d’une même alchimie. Puis de fil en aguille, l’enfant associe la mort, à l’absence puis à la disparition d’une personne qu’il a connue. Entre 6 et 9 ans, l’enfant connaît la réalité matérielle de la mort ; il perçoit le mort et éprouve le vide provoqué par la représentation d’une perte définitive. Mais, il y a encore confusion entre la mort et un mort. Il faudra souvent attendre que l’enfant ait 10 ans bien sonnés pour que la mort soit comprise comme un principe général d’évolution. Un processus qui se déroule selon certaines règles de cessation de fonctions biologiques.
Face à l’enfant malade qui pas à pas quitte la vie
Lorsqu’un enfant voit venir l’échéance de sa vie, ce n’est tant la mort comme processus biologique qu’il lui importe de comprendre mais bien que circulent des paroles vraies sur le sens de sa vie. Parler vrai, ce n’est pas pour autant tuer l’espoir ! L’espoir d’une rémission, le désir de voir la vie poursuivre son cours permet de remplir celle-ci de tout ce qui peut encore se vivre.
Sans doute, ce qu’un adulte peut offrir de plus consolant est d’exprimer sa conviction que l’importance de la vie n’est pas sa longueur mais son intensité et sa richesse. Paroles plus soutenantes que d’entendre chuchoter que l’on est « condamné » ! Dire d’un malade qu’il est condamné, n’est ce pas le tuer avant l’heure de sa mort ? Mais de quoi donc est-il coupable le malade, pour être ainsi condamné à disparaître ? Sans doute, la pire condamnation serait de terminer son passage sur terre en ayant à subir des mensonges concernant son avenir, sa vie, voire sa mort. L’acceptation de l’irrémédiable, la perte de l’espoir, c’est au malade à y accéder au gré d’un lâcher prise qui n’appartient qu’à lui.
Car l’incontournable reste que ce qui naît meure. Un enfant peut accepter la mort comme facteur inhérent à la vie mais il se désespère à l’idée que, s’il vient à mourir, la vie de ceux qui l’entourent n’aurait plus de sens…
Mots clés: Mort Deuil Culpabilité