La réalité existe-t-elle
De nos jours, mieux que jamais, nous pouvons créer nos propres rêves. Avons-nous à craindre d’en oublier notre réalité ?
Pas d’affolement !
Rappelons-nous que le virtuel est vieux comme le monde, il est en nous depuis que l’humain possède un imaginaire, il est cette part de rêve qu’enfants nous mettions en action par les jeux « du faire semblant » rendant ainsi tous les scénarios possibles. … Le succès qu’à engendré l’apparition de la TV, l’engouement actuel pour les jeux vidéo et autres inventions gadgets ne répondent-ils pas à ce nécessaire besoin de virtuel qui sommeille en chacun de nous ?
Sans le détour de l’imaginaire aucune nouvelle idée ne pourrait être conçue, pour ne pas devenir fous, nous avons besoin d’imaginer ; le monde de demain est aujourd’hui en puissance dans notre esprit, en état de possibilité dans nos pensées. Depuis toujours la pensée humaine est, Dieu merci, libre de toute contrainte d’espace et de temps !
Ainsi furent créés les pokémons !
Picatchou et C°
Picatchou et ses confrères, les pokémons, petits personnages démoniaques aux yeux des adultes et idoles des enfants, envahissent sans vergogne le monde de l’enfance. Cette multitude de personnages aux 1000 facettes et pouvoirs différents permettent aux enfants de se projeter dans une image d’eux-mêmes idéalisée ou en correspondance avec leur vécu. Ainsi, Jacques, voulant malgré son jeune âge dominer le monde, s’enthousiasmera pour un pokémon possédant beaucoup de pouvoirs tandis que Jeannot, se sentant petit et peu costaud choisira de s’attacher à un petit pokémon rampant doté de peu de pouvoirs. Toutes les combinaisons sont possibles, et pour chacun, chaque jour permet d’autres possibilités fantasmatiques !
Toutes ces histoires inventées par le truchement de pokémons ou autres héros, loin d’être des « bêtises » sont d’indispensables fictions permettant de retraverser le passé, accepter le présent, ou construire le futur.
Certains parents s’inquiètent : « Mon enfant ne voit plus la réalité, pour lui l’univers est constitué de Pokémons ! » Pour en avoir le cœur net et me forger un avis, j’interrogeai quelques enfants concernant l’existence des pokémons. C’est le petit Mathieu qui, du haut de ses 4 ans, me résuma le mieux la réponse, sa sagesse me laissa pantoise. Pour lui c’est très simple : « Picatchou existe en vrai chez les pokémons mais il n’existe pas en vrai dans les rues ! »
Sa réponse nous aide à nous rappeler que pour tout un chacun, deux mondes parallèles se côtoient, celui de notre imaginaire qui a besoin de croire à ce qu’il imagine et le monde de la réalité tangible et matérielle contrainte aux normes de l’espace temps.
Changer de place et de rôle
Changer de place et de rôle voilà bien la spécificité exemplaire du virtuel ; aux jeux de « faire semblant » les enfants adorent se mettre dans une série de rôles différents et paradoxaux. Retrouvons le petit Mathieu qui las de jouer tout seul, décide d’affiner son jeu en demandant à sa mère de rentrer dans un rôle virtuel.
Se dirigeant vers elle, il lui dit : « Dis maman, on va jouer à que tu es pas ma maman. Parce que toi, tu es la maman de Mathieu ! »
Un peu perplexe, sa mère lui demanda : « Et toi, qui es-tu ? »
« Moi, je suis un chaton » répondit-il de but en blanc.
« Et moi, qui suis-je ? » insista la mère pour être sûre de jouer dans la bonne pièce !
« Eh bien, tu es la maman chatte puisque je suis le chaton. D’ailleurs, on dit que la maman de Mathieu est au bureau ! » confirma le petit.
Quel bonheur d’être soudain devenu un chaton qui se roule à terre en jouant avec un bouchon de liège, en se coulant contre sa mère et en exigeant de cette dernière mille frottements de nez et petites lèches câlines… Sans doute le même enivrement pour le père qui, face à son petit écran, s’est transformé en pilote de formule Un. Le voilà qui aborde un virage serré, la langue entre les lèvres, fonçant à en perdre haleine vers la boucle suivante. Son adversaire le talonne, il prend trop de risques et… se retrouve dans le décor sans plus de casse que l’émotion et le dépit d’être moins bon que la machine…
Contrairement à Mathieu, son père en plus de son imaginaire, utilise un instrument bien réel, construit de la main de l’homme, qui lui permet de vivre l’illusion du virtuel. Sans doute est-ce là qu’il faut trouver la différence entre imaginaire et réalité virtuelle.
Comme Mathieu et son père, chacun à notre heure, nous nous enthousiasmons « pour du faux » nous permettant de nous échapper de temps en temps à notre « pour du vrai ». Le virtuel, fruit de l’imaginaire ne serait-il pas essentiellement un moyen pour nous consoler d’une série de manques telle que la vie nous en réserve de plus ou moins grands, de plus ou moins douloureux ? Virtuel et réalité ne sont donc pas des ennemis mais au contraire des complices nous permettant d’optimaliser notre passage terrestre !
Les possibilités qu’offrent aujourd’hui le virtuel nous permettent de nous étonner, d’éprouver des sensations inconnues, de quitter un vécu journalier dont nous ne connaissons que trop bien les rouages. Nous pouvons ainsi voyager dans un autre monde que le nôtre, nous projeter dans un monde aux possibilités infinies.
Est-ce un bien, est-ce un mal ? La question à se poser n’est-elle pas plutôt de ne pas perdre de vue que tout éducation suppose d’aider les enfants à ne pas prendre du faux pour du vrai, à distinguer rêve et réalité.
Mots clés: Place Rêve Imagination