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Le lien n’a pas à être chaîne…

Certains se laissent enchaîner par l’emprise économique, par le paraître, par la consommation. Nous en avons déjà parlé. D’autres chaînes, hélas, menacent la liberté d’être de nos enfants. 

Abordons la question du lien. Pour exister on a besoin des autres.

Pour devenir sujet de soi-même, pour se sentir un individu unique et reconnu, notre regard doit pouvoir en croiser un autre. Regard forgé d’odeurs, de voix, de touchers. Regard qui vient en réponse à la terrible angoisse d’inexistence que rencontre chaque nouveau-né. Regard comme facteur essentiel de la constitution du lien. Regard permettant d’intégrer le sentiment d’exister aux yeux de l’Autre même en l’absence de celui-ci.

Par contre, trop de présence, trop de sollicitude, trop de prévention du moindre manque ne facilite pas le lien… Que du contraire !

Mathias part au camp.

De plus en plus nombreuses sont les écoles organisant pour leurs élèves des classes vertes, blanches ou bleues selon que le séjour se déroule à la campagne, au ski ou à la mer. Ces séjours variant d’une semaine à dix jours sont aussi appelés, avec beaucoup de justesse : classes de dépaysement.

A notre époque, parents et enfants vivent très proches les uns des autres. Proximité d’espace, de temps, d’émotions. Pour beaucoup enfants, la classe de dépaysement est le seul moment de l’année où ils se retrouvent aussi longtemps coupés d’un environnement parental proche. Parents et enfants ont tout avantage à en tirer profit !

Si dans le temps, on n’hésitait pas à mettre les enfants en pension très, voire trop, précocement, de nos jours l’adulte craint les moments de séparation ! Comme si loin des yeux, ils se retrouveraient loin du cœur de leur enfant …

Quelle ne fut l’étonnement de la mère de Mathias, 7 ans, en lisant le petit mot adressé par la maîtresse aux parents : « Prière de mettre dans les bagages une lettre de votre part afin que dès l’arrivée de votre enfant au camp, elle puisse lui être lue et épinglée au bout du lit. » Autre recommandation : « Veuillez écrire tous les jours à votre enfant. »

Faut-il que des parents confirment chaque jour leur affection pour qu’un enfant ne se sente pas abandonné ? S’il est intimement certain de la place qu’il a dans le cœur de ses parents, se détacher d’eux, partir à la conquête d’horizons nouveaux, devrait-ce être un problème ? Dans la vie d’un enfant, il est même essentiel qu’il y ait des moments de distanciation ; ceux-ci lui permettant de réaliser qu’il peut se débrouiller seul ! Un attachement forgé par un lien sécurisant, sera le ferment d’une capacité à se détacher, c’est à dire à ne pas être dépendant. Détachement ne signifie pas le contraire d’attachement mais « intériorisation du lien sécurisant ». 

Un attachement fort a, aussi étonnant que cela puisse paraître, comme corollaire une facilité au détachement. Quand on est sûr que ce que l’on aime sera toujours là, il est aisé de le quitter un temps puisqu’on a l’assurance de le retrouver. L’angoisse du « lâcher l’autre » ou « d’être lâché » par l’autre, empêche plus qu’on ne pourrait le penser, de mettre en place un attachement serein.  La dialectique, durant notre enfance, entre moments d’attachement et détachement est un des fondements de la sécurité de base et de la confiance en soi.

Est-il vraiment impossible, pour un enfant, de survivre sans « l’odeur » quotidienne de ses parents ?

Que l’on demande aux parents de se manifester au moins une fois, lors d’un camps de dépaysement, quoi de plus normal et rassurant pour un enfant. Mais ne le feraient-ils pas spontanément ? par ailleurs, chaque famille a ses codes de réassurance. Mathias, par exemple, pour se sentir bien dans ce qui sera son nouvel environnement pendant une semaine, a emporté quelques petits objets qui lui sont chers dont un offert par ses parents spécialement à l’occasion de ce départ. Talisman pour l’aider à soutenir ce premier rite initiatique : cinq jours sans parents.

Et commander une lettre par jour ? N’est ce pas induire qu’une distance de plus de 24 heures sans signe parental, signifie abandon, solitude et perte de repères? La fonction parentale est-elle d’être, vis-à-vis de l’enfant, une béquille ou un tremplin ? Plutôt que de constants signes concrets de la présence parentale, la bonne adaptation à cette petite transhumance scolaire, doit faire appel à une capacité d’intériorisation du lien parental. L’accommodation à une telle situation nouvelle, ne dépend-elle pas essentiellement de la confiance témoignée par les parents ? De leur capacité à faire confiance à d’autres adultes et à l’enfant en le soutenant à trouver en lui-même les ressources pour traverser ce moment unique. 

Se sentir lié, c’est quoi ?

C’est à travers les premiers liens affectifs que nous nous lions à nous-même. C'est-à-dire que nous prenons conscience de notre valeur et de nos capacités à nous gérer seul. Se sentir relié par un lien affectif à ses parents, ne nécessite pas de « les entendre » tous les jours. Les adultes doivent aider l’enfant à intégrer que vivre : c’est vivre SA vie et ne pas sans cesse dépendre des signes de la vie de l’Autre ! Au contraire si le lien dépend de continuelles modalités de réassurance c’est qu’il est bien fragile et ces continuels rappels se muent en chaînes… paralysant toute tentative de liberté psychique. Ce qui croit le rassurer, le perd.

Aider un enfant à grandir c’est l’aider à construire sa confiance en lui en lui lâchant la main, en lui faisant expérimenter qu’il peut survire en dehors d’une présence matérialisée du regard de l’autre. De lui faire intégrer que cette protection il l’a en lui, du fait même de se savoir aimé. Pour cela il faut l’aider à se détacher de  ses attaches premières en le « dépaysant » petit à petit aux gré des circonstances que la vie présente. Le lien sécurisant est celui qui fait confiance à l’enfant en l’amenant, petit à petit, à vivre en dehors du regard parental, à se « risquer » seul, à assumer les petits oublis, les petits échecs. Alors il expérimente que séparation n’est pas synonyme de perte. 

Enchaînant nos enfants à une matérialité du lien nous risquons de les entraîner dans l’univers de horreur de l’absence, dans l’angoisse de disparaître dans un trou sans fond… C’est une des questions que soulève le téléphone portable à l’usage des touts-petits… Nous y reviendrons.

Mots clés: Relation Liberté Lien Regard