Les jeux virtuels sont-ils source de violence
Comme toujours, il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! La technologie moderne et les nouvelles possibilités qu’elle autorise, sont fascinantes, en plus l’aspect ludique de certaines programmations peut se révéler très utile dans le développement du mental d’un enfant ou d’un adolescent.
Quoi de plus enthousiasment que de se lancer dans la constructions de villes nouvelles ou dans l’élaboration de civilisations correspondants à notre imaginaire.
Hélas, lorsque le virtuel est mis au service de notre pulsion de destruction, il peut rimer avec vecteur de violence.
Dans le temps on disait : « jeu de mains, jeux de vilains » mais ne pourrait-on pas dire, aujourd’hui : « jeux de violence virtuelle, jeux mortels » ?
Quand le pouvoir ne s’acquiert que par l’extermination.
Certains jeux vidéo ont pour but principal l’élimination systématique de tout ce qui vient se mettre en travers de la quête finale. Ici, comme le prônait Machiavel, la fin justifie les moyens. Plus je tue, plus j’accumule des points : synonymes de Pouvoir et donc de maîtrise sur l’environnement.
N’oublions pas que les jeux virtuels deviennent de plus en plus sophistiqués, on tire, on frappe, notre corps gesticule dans le vide mais sur l’écran il atteint sa cible et la plaque au sol.
En jouant cow-boy et indien on tue aussi !
Exact. C’est d’ailleurs une des raisons essentielles du jeu : mettre en scène notre imaginaire , notre agressivité, notre envie d’être gagnant et de supprimer l’adversaire.
Quelle différence entre jeux réels et jeux virtuels ? En jouant, le cow-boy, dans un sérieux corps à corps avec son copain ennemi l’indien, cherche à faire gagner son camps, il tue avec les mots. L’effet cathartique du jeu est une clé essentielle. En attachant sa petite sœur au poteau de torture, petit Jean attache sa mère, pour se venger de sa mère il fait mine de tuer sa sœur, il peut se l’imaginer morte mais…il ne la tue pas et elle continue à crier pour qu’il la détache ! Dans le jeu réel le corps de l’autre ne tombe pas inerte, le jeu se déroule dans la sphère de « faire semblant ». Il s’agit bien d’un jeu mais qui reste ancré dans une réalité de l’autre tangible et bien vivante. D’ailleurs si un coup trop violent part, suite à cette violence réelle le jeu s’arrête car il y a pleurs ou abandon ! Ces jeux apprennent aux enfants la limite du corps de l’autre, sa sensibilité, les forces réciproques. De même les jeunes qui jouent au paint ball s’ils s’amusent comme des fous à jouer à la guerre, savent que certains gestes sont à proscrire (tirer de trop près par exemple) car ils peuvent être lourds de conséquences.
Rien de tel dans le jeu vidéo qui d’ailleurs souvent se joue seul…Pas de répondant humain, seul existe un faux semblant de dialogue avec une machine métallique asexuée ! Seule compte la rapidité de l’intention, l’écran fait le reste ; l’ennemi s’écroule balle dans le ventre, crâne explosé ou brûlé par un rayon laser, pure violence virtuelle sans conséquences aucune sur le corps ou le psychisme du joueur. Ce corps qui capote simulacre la douleur mais cette image est vite banalisée par le joueur puisque déjà survient l’image suivante, le prochain à abattre... S’agit-il d’ailleurs d’un réel ennemi, à savoir quelqu’un avec lequel on a un différent due à une cause précise, mais non, en général l’être vivant qui apparaît sur l’écran n’est qu’un nouvel élément empêcheur d’atteindre le graal du Pouvoir, personnage qu’il faudra tel un caillou en travers de notre chemin, éliminer d’un bon coup.
Le danger du virtuel
Dans notre société encore mal remise du choc de mai 68, la morale est devenue une notion très floue. Où commence le Mal ? Où finit le Bien ? L’image du père s’est effritée et avec elle la notion du respect de la Loi. Actuellement les jeunes manquent cruellement de cette confrontation avec un Père (réel ou symbolique mais vivant !) qui d’un côté les incitent à tester l’aspect arbitraire de la Loi mais qui d’un autre côté en reste le représentant inflexible. Ce père est garant de ce qui se fait et de ce qui ne se fait pas, il délimite le Bien du Mal.
A la différence du jeu de paint ball, dans le jeu virtuel le Mal est réversible. Tuer, n’engage à rien, d’ailleurs le programme prévoit souvent d’autres vies . Avec toutes ces vies de réserve ce n’est pas grave d’en éliminer une ! Tuer devient un réflexe, pas même de survie mais de simple facilité pour continuer son chemin…
Plus grave sans doute, dans certains jeux virtuels, tuer l’autre est fonction d’une possibilité d’exister !
D’où viendrait le succès de ces jeux ?
Faudrait-il déduire, face au succès des jeux virtuels de violence et d’extermination, que les adolescents d’aujourd’hui ne sont que racailles assoiffées de coups et de sang ? Loin de moi une telle pensée. Mais un fait est certain : le bouillonnement pulsionnel spécifique à cet âge, a besoin de se mettre un idéal sous la dent.
Et si justement dans ces jeux de violence virtuelle une certaine image de Père était présente ? Sous quelle forme ? Le Père serait ici la machine, le programme du jeu qui gratifie celui qui a vaincu. L’écran affiche « The winner is… » Voilà la reconnaissance tant attendue…Et d’ailleurs le « père programme » continue son rôle puisqu’il affiche « next stage… » Eh oui, il donne un but à atteindre lui au moins ! ! ! Et ce but ce n’et pas d’obtenir des points dans une l’école qui ne donne aucun sens à ma vie, c’est d’obtenir des points en usant de toute mon astuce, mon intelligence, ma perspicacité, ma vivacité, en déjouant les coups de l’autre, en l’amenant dans un traquenard qui le conduira à l’issue fatale… et je serai de nouveau gratifié du titre de « winner » ! Merci papa machine, d’ailleurs avec toi je suis assez en sécurité car ton programme a sa Loi bien établie, les règles du jeu sont les mêmes du début à la fin, je sais quel coups sont permis et quels faux pas sont déconseillés. La mort est cautionnée par le programme, si tu ne tapes pas, tu perds des points. Il faut taper si tu veux obtenir ta reconnaissance…
Certains jeux confrontent le joueur à une super star féminine, musclée et sexuée à souhait. Qu’il est bon de la terrasser, de la cogner jusqu’à ce que mort s’en suive. Nouvel idéal de la relation entre les sexes ? Viens ici que je te bute…
Voilà plus de trois heures que je m’explose par papa machine interposé. Je me lève. Tiens à propos Papa à un flingue près de son lit, si je le mettait à ma ceinture. Je sors. Dans la rue quelqu’un me bouscule. « Non mais ça va pas, espèce de con » ! Je tire sur cet élément perturbateur. Me voilà en maison de correction, mais ça c’était pas prévu dans les règles du jeu…Vous êtes tous des salauds, des tricheurs. Moi je jouais…