Qui paye le prix de l’obésité ?
« Maman, tu me donnes mon argent pour ma boisson et mon dix heures ? »
« Tiens, voilà 5 euros. Achète-ce qui te plaît mais n’oublie pas de bien travailler à l’école. Tu sais, moi aussi je dois beaucoup travailler afin de pouvoir te donner chaque jour de l’argent de poche pour tes boissons et friandises. »
Sur ces bonnes paroles, chacun alla son chemin vers la destinée que lui réservait cette journée. La mère légèrement allégée d’une culpabilité latente d’avoir si peu de temps pour son enfant puisque au moins elle lui assure un petit plaisir oral. Le fils conforté par le fait que s’il a un « creux au ventre », il pourra se rassurer en comblant son manque par du sucré.
Et pourtant trop de sucre nuit à la santé…
Le savez-vous : le dernier « baromètre de la condition physique » des élèves de 10 à 18 ans en Communauté française pointe une dégradation sévère des caractéristiques morphologiques au cours de ces dix dernières années. Surtout chez les filles de 11 ans et les garçons de 12 ans.
Visiblement ce triste constat ne semble pas avoir un retentissement majeur aux yeux de la politique actuelle de la santé et de la protection de l’enfance… Puisque le projet de supprimer les distributeurs automatiques dans les écoles est lui, « à l’eau »… Ils sont un must intouchable, à ce qu’il paraît. La pulsion orale des écoliers alimentant le pouvoir financier de l’école afin que cette dernière puisse arrondir ses fin de mois… L’enseignement est moins gratuit qu’on ne le clame !
Pas de souci à se faire, l’école se verra secondée d’une aide diététique…
On ne fait d’omelette sans casser d’œufs. Face à l’obésité croissante, pour se donner bonne conscience, nos autorités imaginent une parade. Donner aux PMS la possibilité d’engager une diététicienne (en remplacement d’une infirmière, économie budgétaire oblige) pour détecter les cas d’obésité ! Symptôme, du notamment à l’ingestion de boissons hyper calorifiques et sucreries de tout ordre vendus, entre autres, dans les distributeurs automatiques des écoles.
Ce projet est-il économique ? La prévention est, à long terme, moins coûteuse que l’intervention thérapeutique, c’est chose connue. Alors que faut-il favoriser, une prévention ou un dépistage ?
Ce projet est-il cohérent ? Faut-il vraiment être diététicien pour diagnostiquer un surplus pondéral aussi visible que l’obésité ? Et que pourra faire, de plus qu’une infirmière, ce nouvel acteur ? Quelle serait la valeur ajoutée d’une diététicienne? Dénoncer à la famille l’enfant trop enclin à profiter des bonnes choses disponibles à l’école ? Culpabiliser l’enfant ? Stresser les parents en pointant l’épée de Damoclès de possibles handicaps futurs ? Prescrire un régime, me direz-vous. Tout le monde sait qu’un régime n’est suivi que si celui qui doit s’y plier est vraiment demandeur. Imposer un régime n’a pas de sens. Il est, sans doute, plus adéquat que l’infirmière (par ailleurs compétente dans d’autres domaines de la santé) propose aux parents d’aller consulter une spécialiste en matière diététique, qu’elle donne des adresses. Une démarche familiale, faite de plein gré, a plus de chance d’aboutir à un résultat efficace.
Par ailleurs, le bon sens populaire sait que face à l’angoisse, certains ont tendance à « se remplir ». On ne devient pas obèse par plaisir mais souvent, parce que face à un manque à remplir, le sucré, la nourriture est un moyen privilégié de soulager une tension psychique. En supprimant les distributeurs automatiques on ne va bien sûr pas supprimer l’angoisse, (que le fonctionnement de notre société surdose allègrement) mais au moins des moyens inadéquats pour y répondre ne seront pas là, à portée de main. Cautionnant que le chemin le plus court serait le meilleur….
Force est de constater qu’alors que l’obésité augmente de façon galopante, les décisions évidentes pour l’enrayer, ne fut-ce que un peu, viennent avec une lenteur étonnante. Doucement émerge l’idée de ne mettre dans les distributeurs automatiques de l’école, pour les 5 – 11 ans, que de l’eau et des jus de fruit. On en parle. Mais qu’attend-on pour agir ? Pour une fois, les Etats-Unis sont plus sages que nous !
Une marche couleur « bon bon ».
Attend-on des enfants qu’ils fassent une marche, non pas blanche, mais couleur sucre pour revendiquer un arrêt de la maltraitance nutritionnelle à laquelle ils sont soumis ? Utilisés comme objets de consommation pour enrichir un marché juteux… N’y a-t-il pas là un scandale contre lequel chacun de nous devrait faire l’effort de réagir en ne tombant pas dans le panneau d’acheter toute cette « compensation affective sucrée » ? Ce ne sont pas les enfants qui sont responsables de leur obésité. J’entends certains adultes rétorquer « Mais qu’ils soient raisonnables et choisissent de consommer des boissons saines ! »
Qu’on arrête de prendre les enfants pour des grandes personnes qui devraient être plus raisonnables que celles qui veulent à tout prix rester hors conflit. Les décideurs c’est nous, les adultes. Ce n’est pas aux enfants de réguler le monde. A leur âge, on cherche à concevoir la vie comme une opportunité pour retirer un maximum de plaisir. C’est la responsabilité de notre âge d’adulte de mettre un cadre à ce désir de « jouissance ». C’est notre tâche de leur apprendre que le vrai « bon bon » est d’aimer les bonnes choses mais de ne pas en abuser. Dans ce cas, elles deviennent un poison pour le corps ou pour la psyché.
Jeter le manche après la cognée.
Certains pensent que supprimer les distributeurs automatiques n’arrangera rien au problème de l’obésité des jeunes. Puisqu’ils peuvent se procurer des boissons hyper caloriques ailleurs. N’est ce pas un raisonnement de mauvaise foi ? Bien sûr ! Tout le monde sait aussi que l’occasion crée le larron. Mettre ces boissons à portée de main, c’est pousser à la consommation, c’est stimuler la vente et refuser de tenir un discours « santé ». C’est une fois de plus envoyer aux jeunes un message paradoxal. « Attention les jeunes, gare à l’obésité qui vous menace. Mais tenez voici un petit soda. Une ou deux consommations de plus ne feront pas la différence. Prends ton plaisir, là sans trop penser. Plus tard on te payera une diététicienne pour t’expliquer comment tu as eu tort de suivre tes penchants. Allez vas-y quand même. Bois un petit coup… »
Et les droits de l’Enfant dont on nous rabat les oreilles ? Est-ce d’avoir le droit de bénéficier d’une école mais au prix de son corps…
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