Relations fraternelles
Les relations entre frères et/ou sœurs ne sont-elles pas parfois bien paradoxales ? « C’est à rien y comprendre, à la maison, à la moindre occasion, ils se disputent comme chien et chat. J’ai vraiment l’impression qu’ils se détestent et cela me peine énormément.
Mais quand j’entends qu’à l’école, le grand ne supporte pas que l’on touche à un cheveu de son frère, cela me rassure. Mais je ne sais plus quoi penser de leur relation ! »
Les rivalités fraternelles peuvent amener des tensions terribles, des disputes acharnées où selon l’âge, on s’arrache les jeux avec force et cris. Entre adolescents, ils peuvent s’envoyer des méchancetés fulgurantes et qui vont droit au but ! Par contre, lorsque nous observons que de franches complicités peuvent naître entre nos enfants qui se liguent pour ou contre nous, nos cœurs de parents se réjouissent. N’est ce pas notre rêve à tous d’avoir une famille où les enfants s’entendent comme les doigts de la main ?
Rivalités
C’est bien connu, les seconds sont souvent plus hardis et mordants que les aînés. En général, les seconds ont pour objectif principal : faire aussi bien si pas mieux que l’aîné ! Cela les amène à être souvent plus vite autonomes, plus combatifs et vindicatifs vis-à-vis de l’entourage.
Car, c’est incontournable, pour le second c’est dur à assumer qu’il ne sera jamais le premier ! Du moins en âge, et c’est pour cette raison qu’il s’efforce de toujours essayer d’évincer l’aîné en le dépassant au niveau des prestations.
Voici une petite anecdote pour illustrer mon propos. Deux enfants reviennent de l’école en voiture. Le plus jeune, s’adressant à son aînée, lui dit : « Tu ne viendras pas à ma fête d’anniversaire ! »
A cela l’aînée répond : « Mais les sœurs viennent toujours ! »
« Toi pas ! » est la réponse qui claque.
La mère, au volant de la voiture, s’étonne du propos désobligeant et renvoie au puîné : « Si c’est ainsi que tu parles à ta sœur, il n’y aura pas de fête !»
Silence. Dix minutes plus tard. « Même si tu viens à ma fête, tu n’auras pas de gâteau ! », reprend le gamin.
Certains pourraient imaginer qu’il y a mésentente entre eux. Que le second ne supporte pas son aînée pour être aussi désagréable avec elle. Il n’en est rien ! Simplement numéro deux essaye de voir comment il peut, malgré sa position de second, quand même damer le pion à l’aînée, lui montrer que malgré qu’elle soit l’aînée, « la grande », elle n’a pas tous les pouvoirs. La fête d’anniversaire est une excellente occasion pour marquer un point. En pareille circonstance n’est ce pas lui qui détient le pouvoir ?
Complicité
Mais Stéphane et Marjolaine s’ils s’affrontent souvent et avec violence pour des questions de territoire, savent être deux têtes sous un même bonnet lorsqu’ils s’agit de se liguer contre un adulte ! Ainsi un jour, leur mère, séparée depuis quelques temps, les emmène visiter des grottes. Elle est accompagnée d’un nouvel ami. N’appréciant vraiment pas cet intrus qui se faisait un peu trop insistant dans la vie quotidienne, ils se sont arrangés pour être ensemble délicieusement infernaux. En fin de journée, au retour à la maison, Stéphane dit à sa mère, d’un air candide mais tout aussi ironique : « Aujourd’hui, nous avons été très gentiment insupportables, n’est ce pas maman ? » Effectivement refroidi par le comportement des enfants, le nouveau prétendant a abandonné la partie et ils ne l’ont plus revu…
Gare aux comparaisons
Force nous est de constater qu’entre frères et sœurs il y a à la fois une forte émulation et une grande rivalité mais cela n’exclut en rien qu’il puisse y avoir de la connivence et de la complicité. Ce qui risque d’entraîner une réelle, profonde et durable animosité entre enfants, ce sont les agissements et commentaires des adultes à leur égard !
Entre deux enfants assez rapprochés de par leur naissance, les rapports de compétition sont incontournables et en fin de compte structurants. Leurs rivalités seront saines et constructives car elles leur permettent de se mesurer, de se connaître et d’apprécier leur différence.
Prenons donc garde de ne pas trop nous mêler de leurs disputes, de ne pas stigmatiser l’un dans un rôle de bourreau et l’autre dans celui de victime. De ne pas nous laisser aller au poison que sont les comparaisons. Celles-ci nourrissent la lutte pour le meilleur commentaire parental… celui qui donnerait à l’un un statut de reconnaissance plus élevé qu’à l’autre.
Le second imite en tout son aîné
On voit parfois un second n’avoir de paix que s’il a le même objet ou la même activité que l’aîné. Pour l’aîné c’est extrêmement agaçant d’avoir toujours « un petit imitateur » qui le dépossède des caractéristiques uniques de son individualité. Une solution est de mettre en évidence les qualités du second, de l’encourager à réfléchir à son propre goût, à ses propres choix. De l’amener à dire son avis sur le choix d’un vêtement ou d’un jeu hors de la présence de son modèle vivant.
S’intéresser à souligner les différences entre les enfants, calme la quête parfois très désespérée d ‘un second qui veut à tout prix rattraper l’aîné. Cela l’aide à s’identifier, à découvrir ses spécificités plutôt que de croire que l’herbe du voisin est plus verte et à vouloir à tout prix être à la place de cet autre.
Il est douloureux d’envier un autre, qui par définition est inimitable et ces enfants, en fin de compte très dépendants de leur aîné, en souffrent beaucoup car « La dépendance, comme la jalousie provient du sentiment (imaginaire) d’une moindre valeur » nous dit Françoise Dolto. C’est aux parents de donner une valeur personnelle à chacun de leurs enfants et de veiller à ce chacun finisse par se contenter de la place qu’il a dans la fratrie.
La jalousie n’épargne personne : aux yeux de l’aîné, le cadet bénéficie de toute l’affection parentale ; le cadet se sent toujours en retard par rapport au plus grand ; quant à celui du milieu, il ne sait pas comment se positionner entre un aîné qui commande et un benjamin chouchouté. Grâce à l’affection bien partagée des parents, chacun des enfants finit par reconnaître les privilèges assurés par son rang. Il trouve sa place au sein de la famille et sa jalousie s’étiole au bénéfice de l’affection. (Marcel Rufo pédopsychiatre)
Mots clés: Fraternité Relation Différence