Sans mots à cause de Mymo ?
Nous avons eu la semaine passée l’occasion de nous questionner sur l’adéquation de l’usage, pour des enfants de 4 à 10, d’un portable leur permettant d’être à tous moments en contact avec un adulte de référence.
Le Mymo joue en plain la carte de la modernité, pas celle qui fait grandir, mais celle qui rend dépendant et emprisonné en favorisant l’immersion sans limite des parents dans la vie de l’enfant et vice versa.
Nous avons vu qu’une continuelle réassurance, dans sa matérialité sensorielle, d’une présence parentale empêche l’intégration de la pérennité du lien affectif. Avoir confiance en soi, en l’autre, dans la vie c’est pouvoir se dire : «Même si je suis seul maintenant, je sais que je ne suis pas abandonné. J’existe aux yeux de ceux que j’aime et qui sont importants pour moi. Ceux-là ont confiance en ma capacité d’affronter la Vie. »
Ne pas savoir accepter des moments de détachements, de distanciation confirme, au regard de l’enfant, la fragilité des liens affectifs. Aussi paradoxal que cela ait l’air ! C’est l’absence de l’autre qui permet de « penser » sa présence. La distance seule permet d’expérimenter la relation, de se sentir relié. Aussi, la disponibilité totale (sans doute impossible) n’est certainement pas souhaitable ! Elle nourrit l’angoisse et le doute.
Nous savons qu’un enfant sans cesse collé à sa mère ou ne pouvant se sentir sécuriser hors de son regard, est un enfant qui doute de l’amour qu’elle lui porte, qui n’arrive pas à « imaginer » cette affection. Doutant de la pérennité du lien et de l’attachement que l’on a pour lui, il est désespérément, insatiablement et inlassablement dépendant de preuves tangibles d’attachement.
Coefficient de dépendance en hausse
Le coefficient de dépendance est inversement proportionnel à la confiance en soi et en l’autre. Nous avons déjà plus d’une fois expliciter les conséquences désastreuses, pour le développement psychique d’un enfant, d’être confronté à des attitudes éducatives surproductrices. Celles-ci oblitèrent l’épanouissement des facultés de débrouillardise, de créativité et surtout d’initiatives personnelles. Si la réponse à tout est chez l’Autre, c’est que moi « je suis nul ». Alors, qu’en général, un enfant est doté potentiellement de toutes les capacités requises pour traverser la vie et surmonter les obstacles.
Pourquoi, aux yeux de plus d’un, le Mymo apparaît-il comme une panacée ? Si tout imprévu est menaçant, il faut sans attendre trouver une parade ! Voilà un créneau dans lequel ce nouveau portable pour tous petits s’inscrit à merveille. « Grâce à Mymo je vais pouvoir appeler immédiatement celui qui viendra à mon, secours. » Ainsi, non seulement c’est de l’autre qu’il faut attendre la solution à un souci, mais il la faut de suitel. Ainsi, une fois de plus notre société technologique nous illusionne d’une toute puissance de réponse à tout, évacuant ainsi tout risque inhérent à la Vie, la nôtre et celle de nos enfants.
Mais plutôt que « d’appeler » le parent, l’enfant n’a-t-il pas intérêt à développer des réflexes de survie ? A, face à un évènement, prendre le temps de voir, le temps de comprendre et le temps de conclure. Mais l’immédiateté n’offre pas ces temps différents, l’immédiateté interdit l’attente, la frustration qu’impose un temps vide. Elle empêche la distance entre deux moments qui, elle seule, permet de mettre en place le temps de penser.
Notre société hyper sécuritaire croit sécuriser et faciliter la vie à nos enfants. Or par nos inquiétudes, supposant qu’ils sont incapables de se débrouiller sans nous, nous la leur compliquons! Les adultes cherchent à se rassurer en mettant en place une gamme de plus en plus diversifié de dispositifs sécuritaires. Se rendent-ils comptent qu’ainsi ils induisent chez l’enfant de réelles angoisses ? En leur faisant croire que, dans la vie, tout doit se maîtriser, se contrôler. Car qui dit sécurité, dit contrôle.
Contrôle, contrôle, quand tu me tiens
« Où est-tu ? Que fais-tu ? » L’œil de Moscou par oreille interposée ne lâchera plus son emprise. Grâce à Mymo, au nom du bien-être de l’enfant, voilà l’adulte disposant d’un droit de regard à chaque moment de la journée. Peut-on encore cultiver un jardin secret face à l’adulte qui ne vous lâche pas les basquets ? Cette attitude, bien sûr nourrie de sollicitude, est en réalité un étouffoir de désir et un inhibiteur de projet. Surtout pas faire de vagues, pas prendre de risques. La vie est tuée dans l’oeuf ! Par ailleurs, un bambin constamment surveillé déduit que la vie n’est que danger, doit-on s’étonner qu’il en vienne à craindre toute prise de risque d’initiatives personnelles ?
Stresser les parents
Certains enfants, sans doute, profiteront des angoisses parentales pour leur renvoyer l’ascenseur ! Conscient du pouvoir qu’ils ont de stresser l’adulte, ils auront beau jeu d’abuser de ce téléphone pour n’importe quelle pacotille qui se met en travers de leur chemin. Les relations école-parents ne sont-elles pas déjà trop souvent tendues ? Mais alors là pour mettre de l’huile sur le feu, c’est l’idéal. Espérons que les adultes responsables d’enfants auront la présence d’esprit de limiter l’usage du Mymo. La vie n’est-elle pas faite pour tomber et se relever, pour mourir et renaître à chaque instant….
Et pris à son propre jeu, que fantasmera l’enfant qui n’a pas de réponse à son appel ? « Maman, ne répond pas, mais je veux l’entendre maintenant…viendra-t-elle ? M’aime-t-elle encore ? » Et voilà que naît un problème là où tout aurait du se passer sans question !
Mots clés: Contrôle Angoisse Dépendance