Tous besoin de richesses et d’un trésor
La quête de la richesse semble être inscrite au cœur même de l’humain. Mais s’agit-il de monnaie sonnante et trébuchante ou d’une richesse intérieure invisible et impalpable ? Que signifie pour l’enfant ces notions de « pauvre » et de « riche » dont, souvent, ses récits sont peuplés ?
Parle-t-il d’argent, d’une envie de posséder, de pouvoir d’achat, de compte en banque rempli ou vide ou s’agit-il d’autre chose ?
L’histoire de Christophe
Christophe, 8 ans, a découvert un vieil album de chromos datant de l’enfance de son grand-père. Une image l’interpelle, il la regarde longuement et il invente une histoire au départ de celle-ci. Voici son petit conte : « Un fermier était riche, il avait un beau cheval blanc, mais ses sabots étaient pleins de boue. Il ne fabriquait pas assez de foin, et donc plus assez de pain et il devenait alors pauvre. Sa fille demande un uniforme pour aller à l’école et le papa dit non parce qu’il n’a pas assez d’argent. La fille fait un vœu pour qu’ils ne soient plus pauvres. Et alors le foin pousse, pousse. Le papa demande ce que c’est ce miracle. La fille dit que c’est elle qui a fait un vœu. Alors elle a un uniforme et il l’envoie à l’école. »
Le fermier, quoique possédant un beau cheval blanc (symbole de noble virilité permettant de dépasser les embûches, de s’élancer vers le but à atteindre), se retrouve dans un état de pauvreté. La boue des sabots en serait la cause, or la boue symbolise les états d’âme bas, l’impureté qui vous maintient à un niveau inférieur de conscience. Heureusement pour le tirer de ce marasme sa fille en quête de richesses intellectuelles (de Connaissance) possède suffisamment de dons pour faire repousser le foin, ce qui lui permet de sortir le père de l’ornière et d’atteindre son objectif à elle : augmenter son Savoir.
Par ce très beau petit conte, à son insu, Christophe nous parle de ce combat intérieur que nous avons tous à mener, combat entre l’Amour qui nous pousse à découvrir la quintessence de notre Etre et l’attirance pour l’Avoir, la possession de choses matérielles, de pouvoir, d’emprise, toutes choses qui nous attirent vers le bas et empêche notre conscience de s’élever.
Nous naissons tous doté d’une potentialité d’aimer, d’une possibilité de découvrir ce trésor de notre richesse intérieure. Mais cet or que nous avons en nous, nous ne pouvons le découvrir et l’exploiter qu’à la lumière du rayonnement affectif et empathique des adultes qui nous accueillent à notre arrivée sur terre. Dans les cas où le nouvel arrivé, pour une raison ou une autre, n’a pas perçu cette chaleur venant de l’Autre, son trésor affectif court le risque de resté enfoui dans le tréfonds de lui-même, enseveli sous un amas de solitude, de malentendus, de désillusions….Alourdi de boue, son cheval blanc ne peut s’élancer. Il parle alors de « famille pauvre ».
« Pauvre » ou « riche » au sens large.
Le mot « pauvre » est associé à l’idée de manque. Ce manque peut être de divers ordres. Si la femme d’un très riche banquier se fait battre par lui, ne dirons-nous pas : « pauvre femme » ? Nous pouvons manquer d’argent mais plus grave nous pouvons manquer d’amour, c’est souvent ce manque ou cette richesse qu’expriment les enfants dans les histoires de pauvres ou de riches qu’ils inventent.
Nombre de contes commencent dans une famille où règne la pauvreté, le petit Poucet, le Chat botté, Margot et Jean, etc. Ces mêmes contes finissent dans la joie de la richesse. En effet, en général les forces du Bien l’emportent sur les forces du Mal, le prince épouse la pauvresse à moins que ce ne soit la princesse qui s’éprend du miséreux fils de paysan qui l’a conquise en surmontant les pires épreuves. La richesse est donc symbolisée par le triomphe de l’Amour. Sans doute est-ce la seule vraie richesse, celle qui intéresse les enfants, ceux qui n’ont pas encore été leurré par l’avoir matériel tant vanté dans notre société de consommation.
Pauvre maison : ruinée parce que sans couleurs…
Arthur, 7 ans, prenant une feuille de papier, décide de raconter une histoire avec un dessin. Voici l’histoire : « Le petit nain habitait une maison ruinée. Elle était toute blanche et il voulait une maison rouge. » Il est intéressant de savoir que le blanc, dans la symbolique des dessins d’enfants, signifie la non-expression totale des sentiments. C’est une manière qu’à l’enfant de dire que : soit, il refuse de manifester toute expression émotive soit, il pense que le faire serait malvenu parmi ceux qui l’entourent. Lorsque l’affectif ne peut faire partie du monde de l’humain, l’ambiance est pauvre en couleurs. Tandis qu’une maison rouge, couleur du sang chaud qui coule dans les veines, renvoie au désir d’être vivant parmi les vivants et en relation avec les émotions chaudes qui nous traverse, l’amour comme la colère.
« C’était une maison abandonnée » L’enfant dessine le contour d’une maison et soudain, après un temps de réflexion, il se décide à la colorier en rouge.
L’histoire continue. « Le nain va bientôt habiter la maison. Elle est repeinte maintenant donc elle n’est plus ruinée ! » Voilà notre Arthur sur la bonne voie ! Il peut s’imaginer le droit à de la couleur (et pas n’importe laquelle) et du même coup son univers n’est plus ruiné, pauvre et donc sans ressources pour lui permettre de dispenser de son trésor intérieur : ses émotions.
Les courses au trésor, la conquête du Graal, les contes sont autant d’hymnes nous incitant à l’élever notre pensée, à rester en contact avec notre richesse profonde. Gardons-nous de devenir esclave d’une matérialité imposée, par la télévision par exemple, qui, subtilement nous vole notre vie intérieure en nous laissant souvent plus pauvre qu’enrichit…et en nous détournant de notre spécificité d’être humain : penser, créer.