Un enfant n’est ni un robot, ni un jouet
Il est frappant de voir comme nombre d’adultes se méprennent au sujet de l’obéissance des enfants. Il est devenu monnaie courante de s’imaginer que l’obéissance devrait être un acte automatique, il devrait s’exécuter de façon évidente et spontanée puisque tel est le désir de l’adulte !
L’enfant n’est pas un robot !
Une mère se vexe parce que son enfant ne lui obéit pas dès qu’elle le lui demande. Elle commence sa complainte par « C’est quand même dommage qu’il ne fasse pas tout de suite ce qu’on lui demande. » « Moi, je n’aime pas me fâcher, je préfère jouer avec mon enfant. » : claironne un père visiblement agacé par sa fille de 5 ans qui veut n’en faire qu’à sa tête !
Dans notre société, fonctionnant en grande partie avec l’aide de moyens technologiques, nous sommes habitués à actionner une touche ou à faire une certaine manœuvre pour qu’automatiquement la machine réponde à notre intention. Serait-ce la même logique qui entre en jeu en matière d’éducation ? Raison pour laquelle on voit un grand nombre d’éducateurs, qu’ils soient parents ou instituteurs, se désespérant de ne pas trouver chez l’enfant le bouton : obéissance ?!
Notre bon sens, valeur éculée semble-t-il, devrait nous rappeler que les enfants ne sont pas des machines… qu’ils sont vivants, surprenants, et souvent créatifs dans leurs réponses !
Or, parce que l’adulte renâcle à mettre des limites, à affronter un conflit, il voudrait que l’enfant reste spontanément dans les limites proposées comme le ferait un bon petit robot bien programmé. Sous prétexte qu’il n’aime pas punir, ce même adulte est choqué, déçu, se dit blessé de voir un enfant remettre en question les règles familiales demandées.
A l’époque, l’opposition était inadmissible au nom de l’incontournable valeur de l’autorité parentale et du respect à avoir vis à vis de celle-ci. Aujourd’hui, l’opposition ne semble pas mieux acceptée mais pour d’autres raisons : elle est inconcevable ! Si l’enfant ne se soumet pas au désir parental, l’adulte ressent un sentiment d’inexistence…En refusant d’obéir, l’adulte estime que l’enfant refuse de le protéger du conflit…que l’enfant cherche à l’ébranler dans ses convictions d’éducateur…que l’enfant lui refuse le don d’amour. Lui, l’enfant qui est tant aimé….
Les adultes ont-ils conscience de la désastreuse violence faite à l’enfance lorsque celui qui devrait être fort, demande à être protégé par une attitude « raisonnable » de la part de l’enfant … ?
L’enfant n’est pas un jouet.
Est-ce parce que notre société est essentiellement guidée par l’évidence que tout désir a la possibilité, voire le droit de devenir un droit, qu’un tel raisonnement s’opère ?
Dans ce monde marqué par la consommation, où tout est disponible selon nos desiderata du jour, nous voilà bien démunis face à l’enfant qui refuse d’obéir… Nous pouvons acheter tant et tant de variétés de spaghettis, chaque jour notre désir peut se trouver contenté. Selon nos humeurs nous regarderons ou écouterons ce qui correspond à notre souhait car des centaines de chaînes sont disponibles, il suffit de pousser sur la touche, de zapper selon notre désir. Lorsqu’ils pensent à mettre un enfant au monde, les parents, et aujourd’hui plus que jamais, imaginent créer un petit être qui comblera toutes leurs attentes, qui les réjouira quand ils en auront besoin, qui les contentera quand ils seront en manque, qui les câlinera quand ils auront besoin d’affection. Un petit être, jouet polyvalent, conçu pour les confirmer dans leurs désirs et les reconnaître dans l’idéal de ce qu’ils souhaitent être.
Lorsqu’il n’obéit pas à ce programme longuement élaboré (puisque de nos jours, un enfant se « planifie ») l’enfant ne remplit pas son rôle. Il est comme un jouet défectueux. Le problème c’est qu’on ne peut pas le rendre ou l’échanger pour un meilleur…
« C’est quand même dommage… »
Je vis les yeux de la mère, pour qui la propension à la désobéissance de sa fille était « vraiment dommage », s’ouvrir comme des soucoupes lorsque je lui rétorquai : « Ce qui est dommage, c’est un enfant qui obéit instantanément sans sourciller…Ce qui est dommage, c’est d’avoir un enfant qui n’ose pas faire son métier d’enfant ! » On ne le répétera jamais assez, l’enfant doit s’opposer pour se construire et l’adulte doit savoir lui résister et lui manifester ainsi qu’il est plus fort que lui, qu’il peut contenir le désir de l’enfant, qu’il ne lui laissera pas faire n’importe quoi, qu’il le maintiendra dans les limites du permis ? L’autorité, attribut parental, qui se réclame du devoir de faire respecter les personnes et leurs territoires engendre souvent des prises de position fermes, des conflits et l’application de sanctions. Ce n’est certes pas la partie la plus agréable, ni la plus aisée du rôle parental mais cela en fait partie. Et s’y refuser est un réel dommage fait à l’enfant !
Pour qu’un enfant puisse grandir sans crainte et se sentir guidé sur le chemin de la Vie, il a besoin d’un adulte capable de maintenir son cap même s’il y a du vent contraire !
Ce qui « est dommage » c’est un adulte qui s’offense face à un enfant qui accomplit son travail de construction identitaire !
Mots clés: Education Identité Obéissance Limites