L'Enfant et le Divorce
Tout passé lourd ou léger nous marque de son poids
La folle ronde des amours fait tourbillonner les couples. On se marie, on se démarie. On se remarie, on se sépare, on repart. On glisse à l’oreille des enfants des “T’en fait pas petit - Tes parents t’aiment - C’est pas ta faute - Tu verras tout ira mieux qu’avant - Sois pas triste.”
Paroles utiles certes mais démunies de pouvoir magique… La banalisation du phénomène d’éclatement des couples parentaux masque parfois, aux yeux des adultes, la souffrance de l’enfant. Je pense à ce couple venu consulter avec leur fils qui ne mentionna leur séparation que lors du deuxième entretien. Lorsque je voulus en savoir plus, il me fut répondu : « Notre séparation ne peut avoir eu aucune incidence sur les difficultés d'Edgard car tout a été réglé à l'amiable et sans conflit.” Bien sûr, divorce ne rime pas d’emblée avec traumatisme, mais évitons d'imaginer que lors de l'éclatement de son couple parental, l’affection portée à l’enfant, aussi sincère soit-elle, aurait le don de lui éviter questionnement et déduction. Celle par exemple, quasi incontournable, de s’imaginer être la cause de la rupture. Raison qui amène un enfant à tenter par tous les moyens possibles, parfois durant de longues années, de réunir son couple parental.
Ainsi Julien, 11 ans, rencontre de sérieuses difficultés scolaires. Depuis la séparation de ses parents lorsqu'il avait 2 ans, cet enfant n'a de cesse que d'être parfait, de ne pas déranger, de ne créer aucun conflit tant chez sa mère que chez son père. Le petit récit inventé lors d'une consultation nous apporte un éclairage.
“Monsieur Klevert est un motard (moutard). Il y a deux bandes, celle des motards et celle des danseuses. Ils ne s’aiment pas beaucoup. Sur la place du village s'organise soit un concours de danse soit un concours de motocross. Un jour, un des deux concours doit être annulé. Cherchant un moyen équitable pour décider quel concours annuler, chaque bande tente de rassembler le plus de signatures du public. Mais les deux bandes obtiennent le même nombre de signatures. Ils trouvent alors une idée qu’ils n’aimaient pas tellement mais c’était la seule issue. Ils montent un spectacle où ils font à la fois de la danse et de la moto. Ils s’entraînent, cela crée une amitié entre eux. Ils font un spectacle. Un monsieur demande de rencontrer l’organisateur et tous désignent Klevert.
Car sans qu’il le sache vraiment c’est lui qui a aidé à ce qu’ils ne s’aiment pas (lapsus où l’enfant parle de sa culpabilité dans le non amour survenu entre ses parents) et les danseuses ont pensé que les motards n’étaient pas si brusques. Le Monsieur a demandé de faire le spectacle dans le plus beau cirque du monde et un million de personnes sont venues les voir.”
Inconsciemment, Julien, alias Klevert et le Monsieur, fantasme encore une possible réconciliation parentale en réunissant dans un même spectacle motard et danseuse. Ce rêve impossible bloque son développement personnel puisqu'il s'impose une conduite toujours adaptée au désir de l'autre, étouffant ainsi tout désir personnel, tout projet personnel, et en cascade, tout investissement dans sa scolarité.
Depuis ses 6 ans, Julien prend journellement un médicament pour l'aider à mieux se concentrer. Mais a-t-on seulement cherché à savoir ce qui venait perturber ses facultés attentionnelles? A-t-on seulement cherché à comprendre quels soucis l'habitent et entraînent son esprit tellement ailleurs que rien de sa vie ni des matières scolaires, ne s'inscrit de manière durable? En un petit récit imaginaire il en a dit tout un bout...
Après une séparation, chaque enfant rencontre plus ou moins de difficultés pour élaborer le deuil de son couple parental. Aux adultes d’y être attentifs tout en veillant à écarter toute forme de culpabilité, tant du côté des parents que des enfants.
Mots clés: Famille Divorce Souffrance