L’hiver inducteur d’attente
Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage (La Fontaine)
Ce n’est qu’un billet d’humeur, d’humeur délicieusement hivernale. Traversant la fenêtre, mon regard glisse sur les particules blanches parementant les contours des moindres brindilles. N’ayant offert aucune résistance au dépouillement de leur parures, les forêts nous révèlent la finesse de leur arborescence. Dans un semblant d’inaction les arbres se replient vers leur centre vital afin d’y élaborer une nouvelle montée de sève.
L’attente hivernale. Temps mort ? Non. Temps riche d’intériorité !
Transformant nos rythmes de vies, la nature impose ses droits. Le temps, prisme d’appréhension du monde, prend une autre épaisseur. Brouillard, verglas, neige, le dantesque chaos de la mobilité rend toute précipitation périlleuse. Dans nos quotidiens s’infiltrent contrariétés, attentes, programmes bouleversés. Je déteste attendre mon train, poireauter chez le médecin ou faire la file au guichet de la banque, mais lorsque le climat oblige à ralentir, quelque chose en moi jubile. Souvenirs d’enfance ? Jouissance de vacance, de ce temps donné, cadeau de l’hiver. Lorsque la neige recouvre le sol du jardin, enrubanne les arbres, diffère le bruit du trafic, une douceur ouatée me caresse. Douceur de l’hiver.
Cette saison centrifuge permet de prendre le temps de se réjouir de la tasse de café que l’on n’a pas dû préparer soi-même, du coup de téléphone inattendu, des feux passant au vert dès qu’on arrive, d’entendre une chanson qui émeut, de trouver directement ses clefs, … Mille et un petits cadeaux que le temps ralenti de l’hiver nous rappelle d’apprécier. Nous offrant ainsi la possibilité de recréer, grâce à la conscience de ces petits moments de paix, de joie et de bonheur, une relation pure avec nous-mêmes et avec l’univers qui nous entoure.
Les attentes hivernales nous invitent à admettre que l’on ne peut tout vaincre. Il faut savoir s’incliner, accepter ce rythme différent, le creux, le temps vide, la fragilité de nos visages un peu plus ternes. Eh oui, l’hiver, avec ses temps de suspension, impose des leçons d’humilité.
N’en déplaise à certains, l’attente permet de dilater le temps, de lui conférer de la substance, de prendre conscience de son impression d’écoulement, de durée et ainsi ce temps devient créateur de sens. Il est impossible de réfléchir si on ne s’inscrit pas dans un écoulement du temps, dans son impression de durée. En reliant les instants successifs, en prolongeant les moments, en dilatant le présent, un sens particulier des choses peut naître. Que les pressés attendent l’été. Ces impatients tant obsédés de rattraper le temps qu’ils souhaiteraient payer l’addition avant même de manger !
De l’attente qui fait durer le temps au trépignement du vite, vite, qui s’efforce d’accélérer le temps, des temps différents permettent d’élaborer du sens. Autres saisons, autres cadences. Dans la pause hivernale, la nature comme la vie autour de nous, offrent des signaux. Meilleurs vœux pour ce temps propice à la rencontre, en toute humilité, sans peur de contradictions, sans contraction, sans énervement, avec le tronc, l’aubier, la ramure, la sève et l’arborescence de votre être physique, psychique et énergétique.